Parce que nous le valons bien
Hier nous étions le 8 mars 2015, journée internationale pour le droit des femmes, j’aimerais partager avec vous ces quelques mots, en somme un rapide témoignage : le mien. Hier dimanche à cette occasion justement, il y a eu pléthore de billets et d’articles vantant les « mérites » de cette journée et de la femme par extension. Puis il y a eu ceux qui l’ont dénigrée, l’ont jugée inutile, favorisant un féminisme tordu, etc. Même s’il est clair que le débat autour de la table doit être constructif pour faire avancer les choses partout dans les pays chaque 8 mars, il ne manquerait plus que l’on reproche aux femmes de vouloir « fêter » dignement cette journée. Car il y a tellement de choses pour lesquelles l’on devrait se sentir fières : le droit de vote, le droit d’effectuer une activité professionnelle sans passer par son mari, le droit d’avorter dans certaines contrées, le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’approbation d’un tiers, etc.
Ça l’air évident comme cela, mais si aujourd’hui nous sommes les femmes que nous sommes, c’est grâce à l’action soutenue de nombreuses féministes tout au long de l’histoire. Pour toutes ces raisons, j’estime ne vous en déplaise qu’il y a bien lieu de fêter (sans débordements bien entendu). Du moyen-âge à nos jours le monde a franchi un grand pas dans l’amélioration générale des conditions de vie de la femme, c’est indéniable.
De même, je pense qu’il n’ y a rien de mal à le rappeler dans des défilés et marches, ornées chacune de pagnes traditionnels, spécialement conçus pour l’occasion. Mais comme certains blogueurs ont également su si bien le dire : le 8 Mars ne doit pas se résumer à un concours de « qui sera la plus belle dans sa tenue », il doit aussi et surtout servir sa première vocation : celle de réfléchir à des solutions pérennes pour installer de façon définitive cette égalité des sexes tant voulue (et tant décriée à la fois) partout dans le monde. Et pour cela, il y a encore du travail.
They are such goddesses! Carrying the burden and solutions to many world’s challenges. #IWD2015 @mashanubian pic.twitter.com/5GkbUks2ce
— Coumba (@ycoumba) 8 Mars 2015
Hier je ne sais plus où exactement, j’ai lu les propos d’une femme qui disaient à peu près ceci pour « dénoncer » un certain féminisme : « Il est temps pour les femmes d’arrêter d’être tout le temps énervées, échauffées pour le politiquement correct ». Le coup de massue que ces propos m’ont porté dispose de deux volets : d’abord parce que ces mots viennent d’une femme (et c’est aussi souvent là le problème puisque ce sont des femmes endoctrinées qui volontairement reproduisent les horreurs qu’on ne cite plus sur les corps de leurs filles) mais aussi parce qu’il est inimaginable en mon sens de ne plus être folle de rage au vu de tout ce que les jeunes filles et femmes continuent de subir à travers le monde. Il n ‘y a pas de politiquement correct qui tienne, la lutte n’est pas finie nos manches n’attendent que d’être retroussées. Les lignes qui vont suivre ont été publiées aujourd’hui et non le 8 mars de manière fortuite, pour échapper à l’embouteillage d’opinions et d’idées étalées la veille. Il s’agit de mon plaidoyer pour mes congénères.
Je suis une jeune femme de vingt-deux ans, oui cela fait vingt deux années que je suis sur terre et tout au long de ces années, je ne me suis pas imaginée autrement qu’en femme. Vous savez il y a certains qui disent parfois : « oh! j’aimerais être un homme (ou une femme) pour voir ce que ça fait, pour faire ci ou ça » (Beyoncé l’a même chanté dans son single : « If I were a boy »). Ceci ne m’ait jamais arrivé pour la bonne et simple raison que sous cette personnalité de femme, je me sens bien, épanouie. C’est comme ça que toutes les femmes devraient se sentir : épanouies dans leurs têtes et à l’aise dans leurs corps. J’ai eu l’incommensurable chance de grandir dans un entourage où dès petite, l’on m’a fait réaliser que j’étais forte, que je pouvais réaliser de grandes actions, que je pouvais décider, que mon corps était à moi. On m’a donné l’opportunité de contredire, de rejeter ce que je ne comprenais pas, bref j’ai eu tout le loisir de choisir. Et c’est là mon souhait pour chaque jeune fille, celui d’avoir la liberté de choisir.
La liberté de garder son clitoris
Dans le monde, il y a chaque jour 6000 femmes qui sont excisées, (sept filles par minute) coupées parfois brutalement occasionnant des hémorragies, des blessures, des MST, une stérilité définitive. L’atrocité souvent est poussée jusqu’à sectionner les petites lèvres des gamines (parfois des adultes) qui hurlent de toutes leurs forces. Elles n’ont rien demandé, on ne leur a rien demandé. ILS ont décidé pour elles, pour leur avenir sexuel : elles ne connaîtront pas d’orgasme à l’état pur. Elles devront subir les rapports sexuels, pas y participer, pas les sentir. Mon cœur saigne avec tous ces vagins détériorés, ces clitoris volés, plus spécialement en Guinée où une récente discussion avec des prétendus intellectuels m’a édifiée sur l’ampleur du désastre. Lorsqu’ils défendaient « les bienfaits » de cette barbarie, la justifiant par la lecture erronée d’une religion, j’ai compris le cœur gros que leur future progéniture passerait par là.
Bonne fête les filles !!! #JourneeDeLaFemme #OnLacheRien 😉 pic.twitter.com/oDarIYWRg1
— Mélanie Lafarge (@melanielafarge) 8 Mars 2015
La liberté d’aller à l’école, de poursuivre des études, de s’instruire
En 2008 dans le monde, 35,5 millions de jeunes filles n’allaient pas à l’école. En 2015 les choses ont-elles changé ? Pas vraiment. Des millions de parents estiment que la place d’une fille ne se trouve pas sur un banc d’école mais dans la cuisine, aux pieds de son mari. Et si par bonheur elles y sont inscrites, on trouve toujours le moyen de les y arracher trop tôt pour les offrir en mariage, pour les réduire à un esclavage domestique. Il y a également le manque de moyens des ménages : illustration parfaite de l’échec des gouvernements. On n’a pas assez pour vivre comment aurait-on assez pour scolariser ses enfants? Et souvent dans ces situations on préfère scolariser le garçon. Là non plus, elle ne l’a pas décidé : l’ « effroyable » destin qui a voulu que ce soit un chromosome XX qui féconde l’ovule a décidé pour elle : tu es une fille, tu restes à la maison. Dans l’un ou dans l’autre des cas : manque de moyens ou volonté assumée de les « analphabétiser » , ce sont elles qui sont pénalisées. Elles ne seront pas ingénieures, docteures, avocates ni ministres.
La liberté de choisir son mari
Alors qu’elles étaient enfants ce sont 250 millions de femmes qui ont été mariées de force. Ce sont les chiffres effarants du Girl Summit 2014 à Londres. Prenons une fille pour qui on aurait tout trancher arbitrairement depuis sa naissance : lui enlever son clitoris, lui voler son éducation et maintenant lui asséner un mari. Que lui reste-il ? Néant. Voilà ce que la société actuelle effectue la plupart du temps : elle produit des poules pondeuses d’enfants. Ce sont là des fillettes manufacturées, réglées à la montre, soumises, pas éduquées, aucune possibilité d’emploi destinées à dépendre entièrement d’un homme sur tous les plans. Elles ne choisissent pas du début à la fin.
La liberté de pouvoir travailler, obtenir son permis de conduire, s’autonomiser
Dans certaines zones de la planète, ma pensée dérive vers les Etats islamiques notamment, les femmes n’ont toujours pas les plus élémentaires des droits. Elles ont besoin de la permission d’un tiers pour se rendre d’un point A à un point B. L’indépendance est une notion farfelue, inconnue d’elles. Les femmes sont considérées comme des propriétés privées sur lesquelles toute la société (sauf les premières concernées) possède des ayant-droits. Et lorsqu’elles parviennent tant bien que mal à s’échapper de ce joug patriarcal en obtenant un emploi, une autre injustice s’abat sur elles, celles des discriminations salariales. Dans les services privés et administrations publiques, les hommes continuent d’être mieux payés que les femmes au su de tous.
La pauvreté est sexiste : 66% des analphabètes dans le monde sont des femmes https://t.co/BRY3Zsg6BB pic.twitter.com/nzS9wu4sDy
— L’important (@Limportant_fr) 8 Mars 2015
La liberté de disposer de son intimité
Le délicat exemple du Hijab
On exige qu’elle porte le voile et si un cheveu dépasse, elle est fouettée en public ou sévèrement punie. Loin de moi l’idée de penser qu’elle ne devrait pas le mettre. Personnellement je n’ai pas d’avis sur la question mais je milite pour que justement elle puisse effectuer le choix (oui encore cette histoire de choix) de disposer de son corps comme elle l’entend. Si le port du voile est un précepte reconnu de l’islam, la religion quant à elle émane de la sphère privée et personnelle. Les femmes devraient pouvoir revendiquer volontairement et joyeusement le port du voile . En un mot, il ne faut pas qu’elles le mettent par crainte de représailles mais parce qu’en tant que musulmane, elle comprend et mesure la portée de cet acte dans l’accomplissement de sa foi. Nul ne sait qui est le bon musulman du mauvais : on peut mettre le voile et avoir un comportement contraire à la Sunna et vice versa.
Elles sont persécutées lorsque la poitrine commence à pointer, signe de leur féminité. On leur repasse les seins avec des pierres chauffées à blanc pour ne soit disant pas éveiller les sens des hommes autour d’elles. La société préfère leur infliger ça plutôt que de punir de potentiels pédophiles. On veut garder un œil sur sa sexualité, on la lynche moralement lorsqu’elle avorte. On la restreint, la contrôle, dicte sa façon de se vêtir. Lorsqu’elle perd son mari, on « l’hérite » comme s’il s’agissait d’une vieille bagnole et pour finir on la bat comme une vulgaire serpillière, comme un torchon, à l’ensanglanter. Elle n’a rien choisi, rien décidé du début à la fin et si elle le pouvait à l’heure actuelle, elle aurait choisi de naître homme dans un monde finalement si clément avec la gente masculine et c’est ici tout le drame de notre société.
Bon 8 Mars mesdames, parce que vous êtes belles et courageuses, parce que vous appeler « le sexe faible » est pur outrage mais surtout parce que vous le valez bien.
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