École guinéenne : 0 sur 10 !

Pourquoi écris-je ce billet ? Le déclic vient d’un échange téléphonique que j’ai eu avec un ami malien travaillant à l’Unesco. Il me racontait une petite anecdote qu’à mon tour je m’empresse de vous conter. Le sujet ? le niveau presque souterrain des cadres guinéens. Pour la petite histoire, en ce moment à l’Unesco, se discute le classement du Mont Nimba (une montagne riche en fer située en Guinée forestière), comme patrimoine mondial de la planète. Les sociétés minières, insatiables ogresses capitalistes, exploitent cette montagne et tous les trésors qu’elle regorge sans se préoccuper de l’impact écologique de leurs extractions massives et polluantes pour la faune et la flore environnantes. L’institution onusienne se rendant compte des dégâts progressifs décide donc de protéger la zone. Puisque de toute évidence,le gouvernement guinéen semble lui n’en avoir cure.
C’est ainsi qu’il m’explique que le dossier de demande de fonds à allouer pour la protection du site, a été mal ficelé et affreusement rédigé par mes compatriotes. Cela l’a obligé à retravailler le dossier en entier afin que les fonds n’échappent pas à l’Afrique de l’Ouest.
Mais de vous à moi comment peut-il en être autrement? Pour tenter de comprendre ces faiblesses, remontons à la source.
En Guinée tous les ans, des dizaines de pseudo universités surgissent de terre avec des locaux flambant neufs, aux décors et designs travaillés, calqués sur les critères occidentaux. Les universités publiques quant à elles, même si certains efforts ont été faits sont délabrées et tombent pratiquement en ruines. Elles sont tellement vieilles que je ne serai pas surprise qu’on classe certains de ces campus : « musées et sites préhistoriques ». Néanmoins ce n’est pas vraiment ce qui m’inquiète, car des bâtiments, on peut en construire ou en rénover, mais pour l’intellect comment ça se passe? Une fois qu’on a raté le coche, il est quasiment impossible de le rattraper. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer avec la jeunesse guinéenne. On laisse faire, on s’endort sur ses lauriers.

Comme je le soulignais à cet ami, peu importe où l’on apprend même si l’on se trouve dans une case, il suffit d’avoir la volonté et un minimum de moyens techniques pour disposer ne serait-ce que du b.a-ba. Tout ce qui manque à l’élève guinéen lambda je vous dirais, même si trop nombriliste pour l’admettre, il est persuadé d’être ô combien brillant.
Il n’arrive pas à se faire embaucher alors que son CV est truffé de fautes grossières? Pas de problèmes, c’est l’employeur qui est trop « méchant », lui il n’y est pour rien.
Mes craintes se situent à cet endroit parce que le système éducatif guinéen est un système intrinsèquement compatissant avec la médiocrité et de nos jours, indéniablement un pur échec. Le résultat est là, incontestable.
Lorsque j’étais en CM2, j’ai passé un examen d’entrée au collège. Nous passions cet examen dans un centre où étaient regroupés plusieurs élèves issus d’écoles différentes, mais appartenant à la même commune. Dans ma classe, il y avait plusieurs élèves qui ne méritaient pas d’être là, cela se voyait aisément. Et lorsque les épreuves étaient lancées, certains surveillants s’exprimaient en ces termes : « On sait que les questions sont difficiles, vous pouvez communiquer entre vous, mais surtout vous le faites doucement, à voix basse. On a nos enfants qui composent ailleurs, on espère qu’ils auront la chance de tomber sur des surveillants gentils comme nous. » Autrement dit, donnant-donnant. Non non, vous ne rêvez pas. En Guinée l’on ne prie pas pour passer les épreuves dans de bonnes conditions, on ne prie pas pour tomber sur des sujets cléments non, on prie pour tomber sur des surveillants « gentils ». Cet épisode s’est répété à chaque examen national que j’ai eu à faire : BEPC, baccalauréat. Et à chaque fois j’en demeurais ébahie.
De la maternelle à la faculté, le système éducatif guinéen formate puis recrache des étudiants habitués à la facilité, n’ayant aucune base solide pour affronter le marché requin de l’emploi. Et ceux qui crient à ce scandale, se lamentant du manque de niveau effarant de nos élèves et étudiants sont ceux-là mêmes qui ne peuvent vous tenir un discours de deux minutes sans que vous ne vouliez… littéralement vous jeter d’un pont. Personne n’a le courage de leur dire : écoute, va revoir ton orthographe, ta grammaire ou la concordance des temps, il y a encore du boulot.
Si vous avez l’âme d’un guerrier et que vous leur faites des remarques afin de les corriger (suicidaire que vous êtes), ils vous balancent à la figure : « Peu importe comment ça se dit. Tu m’as compris non ? ou encore, le français ce n’est pas ma langue je m’en fous de bien la parler, tu te prends pour Molière toi ?» Alors que le problème se trouve clairement ailleurs même si j’apprécie ces gens qui mettent leur culture et dialecte sur un piédestal. D’ailleurs qu’est-ce qui fait d’une langue une langue et d’une autre un dialecte ? Est-ce comme « pourquoi un Blanc vivant hors de son pays est un expat’ et nous autres des immigrés ? ». Il est vrai qu’aucune langue ne prime sur une autre et qu’on devrait autant promouvoir les nôtres que celles héritées de la colonisation, mais de grâce lorsqu’on décide de s’exprimer dans un parler bien précis, apprenons à le faire correctement, faisons le bien ou ne le faisons pas. Puis apprendre une seconde langue ce n’est pas renier la nôtre, c’est s’armer doublement, c’est s’offrir une conception plus élargie du monde.
L’état des programmes scolaires actuels est devenu obsolète par rapport aux techniques modernes. Le niveau général des enseignants est très moyen. Ainsi, ils transmettent des erreurs à des cerveaux qui intériorisent ces carences et vont les perpétuer. Pour couronner le tout, le laxisme dont font preuve les autorités éducatives, autant de raisons de cet échec monumental de l’éducation guinéenne. Vous n’aidez pas un enfant en voulant camoufler ses problèmes, vous rejetez juste de quelques années l’échéance à laquelle le monde lui rappellera ses insuffisances sans prendre de gants. On peut encore intervenir lorsqu’il est à bas âge mais à sa sortie d’université quand un étudiant diplômé ne peut pas enchaîner deux phrases sans commettre de fautes alors vous savez qu’il n’ y a rien plus rien à faire. Qui voudra l’embaucher?

De plus en plus de jeunes désœuvrés fraîchement diplômés envahissent les rues, sirotant du thé, discutant politique et football avec passion. Le chômage est endémique, chronique, nous colle à la peau. Aucun entrepreneuriat, aucune possibilité d’emploi à l’horizon. Le gouvernement guinéen (peu importe les régimes qui se succèdent) est certes responsable de cette situation, mais la jeunesse guinéenne est tout autant coupable de ce laisser-aller, de ce refus d’implications et d’efforts. Elle doit impérativement se prendre en main et arrêter de se victimiser à tout bout de champ. Modus operandi ? Prendre les rênes de sa destinée et se donner les moyens de réussir. Beaucoup d’étudiants guinéens ont une licence, un master en poche mais savent pertinemment que ce n’est que du papier, savent que leur formation a été bâclée, que les compétences sur le terrain sont inexistantes.
Maintenant la question qui fâche : avant de revendiquer des emplois dignes de ce nom, ne devrions-nous pas d’abord nous rendre dignes de ces emplois ?
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