Dieretou

Hymne à la mort

Crédit Photo : George Vnoucek
flickr.com CC

Aux aurores, réalité sera mon rêve.

Et je te verrai, car tel est notre destin.

Mon cœur assoiffé quittera son entrave.

Enfin serrés nos corps seront jusqu’au matin.

Puis un long déluge, car un tel mariage.

Une union d’émotions, enfin chantées.

Ni bruit, ni voix ne sortiront de ce nuage.

Oui, êtres baignant dans la clandestinité.

Trêve de pensées, ton âme est ensevelie.

Arraché à moi, je me meurs cruellement.

En guenilles ne vivant que de nostalgie.

Demain, je te rejoindrai mortuairement.


J’aurais aimé être là

bibi

En quelques secondes tout bascula, tout se joua. Elle ne serait plus là, sœur tant aimée, tant chérie. Damnée. Le destin imprévisible, ignoble et parfois tellement cruel l’avait arrachée à moi, m’avait arraché une vie débordante de joie et de gaieté.

Ô Divinité, pourquoi fallut-il qu’elle eusse ce vertige au moment précis où ce train passait ?

J’aurais aimé être là, être là pour elle.

Ce fantastique tic qu’elle avait de hausser les sourcils à chaque parole me hante dans toutes mes pensées, les rendant opaques, obscures.

J’aurais aimé être là, être là pour elle.

Étudiante et travailleuse, ton modeste rêve était de devenir infirmière pour aider un frère qui n’avait plus de repère que toi.

J’aurais aimé savoir ce à quoi tu pensais quand cette après-midi tu t’affalas sur ces rails glacés. J’aurais aimé te saisir, panser tes blessures quotidiennes, extraire toute cette angoisse qui avec perfidie t’avait lentement envahie, traîtresse. J’aurais aimé embrasser ton corps, tes seins, tes lèvres doucement pour qu’ils ne soient point ensanglantés.

Et puis plus RIEN

– La mélodie d’un téléphone

La seconde de TROP

– L‘éphémérité d’un souffle

Tu n’étais plus là

J’entendis les paroles fatidiques : la mort, la mort en elle-même t’avais prise, volée à nous. Amoureuse des belles âmes.


« Je te tiens par le bout de mon Baya »

baya jeune fille

Si tu es africaine et surtout venant de l’ouest du continent comme moi, tu en as certainement déjà entendu parler. De ces petites chaînettes et colliers de perles que beaucoup de nos sœurs attachent autour de la taille. Hum … Une merveille de féminité !

Comment ne pas en être de ferventes adeptes alors que nos hommes en raffolent ? Les connaisseuses vous le diront, cet accessoire fait toujours son petit effet! Chez nous on les appelle les Bayas. Et des bayas on en a de toutes les sortes, de toutes les couleurs et même parfumés (souvent au Thiouraye) . Ils sont généralement fabriqués par des mains expertes de femmes qui prennent tout leur temps pour leur donner la forme et la texture qu’ils ont. L’opération consiste à glisser le long d’une corde fine et parfois élastique, une à une des perles en plastique afin d’en faire un collier! Lorsqu’on atteint la longueur escomptée (celle-ci dépend du tour de taille de la personne à qui on destine le baya) on joint les deux bouts de corde en les attachant et le tour est joué… Ceci dit gardez-vous bien de penser que l’ouvrage est facile, il est long et très minutieux. Surtout lorsqu’on en fait plusieurs à la chaîne.

Aussi loin qu’on s’en souvienne, cette parure a toujours fait partie de la culture africaine. On en porte aux gamines dès qu’elles savent marcher et parfois même avant, dans le berceau pour les jeunes mamans pressées. Chez les adolescentes, les bayas sont encore plus ensorceleurs car ils encerclent un bassin à la fleur de l’âge et dont la cambrure nous rappelle inéluctablement celle d’une sirène des Mille-et-une-Nuits. Par tous les sein…(Oups)…saints*, c’est un plaisir pour les yeux.

Les femmes adultes ne sont pas en reste, mariées ou non c’est un défilé de bassins ornés! On les porte comme on veut, à un ou à plusieurs. Mais il faut tout de même relever qu’à plusieurs autour de la taille, ils offrent un joli tintement que l’ouïe du mâle n’a aucun mal à repérer et à savourer. C’est peut-être le but inavoué de ces coquettes dames de chez moi… allez savoir!

Quoi qu’il en soit, le déhanché après s’en être paré ne peut être que plus déroutant.

Chez nous on dit du baya qu’il a plusieurs vertus : qu’il affine la taille, qu’il offre à la jeune fille un très beau tour de hanche mais que le baya serait surtout un merveilleux garde-mari. Oui, vous lisez bien ! Les femmes mariées qui s’en dotent hypnotiseraient leurs hommes lors de l’acte intime et ceux-ci ne sauraient aller voir ailleurs n’ayant d’yeux que pour leurs très chères.

Info ou Intox ? En tout cas pas plus tard qu’il y a quatre jours en évoquant ma volonté d’en trouver, un jeune guinéen m’a clairement dit avec une voix des plus sensuelles, se laissant certainement bercer par l’image qu’il s’en ait tout de suite faite :  » Ah les bayas, j’adore ça. » Avant de se reprendre sous mon visage éberlué en se raclant la gorge et d’une tonalité plus virile :  » C’est très beau. » 🙂 . Eh bien tout est dit Mesdames !

Si comme on l’a vu durant les cérémonies traditionnelles de mariage l’on retrouve parmi les nombreux cadeaux de la mariée, de jolis bayas fins ou gros c’est qu’il y a bien une raison n’est-ce-pas ? En ce qui me concerne j’ai bien ma petite idée là-dessus. Faites-vous également la vôtre. La chanteuse Aicha Koné sait délicieusement nous en parler avec les expressions adéquates dans son morceau  Baya, assez vieux mais très descriptif de la chose !

En attendant, pour tous ces cœurs à (re)conquérir et pour qui on est prête à mettre tous les atouts de notre côté, j’en connais beaucoup qui à la fin de ce petit billet fileront tout droit chez la vendeuse !

En espérant vous y croiser, je vous souhaite un bon mercredi. 🙂


Oxymorement

oxymore odonymique - Le titre se justifie, Aix-Noulette, Pas-de-Calais, France. Crédit : Olivier Bacquet.
oxymore odonymique – Le titre se justifie, Aix-Noulette, Pas-de-Calais, France. Crédit : Olivier Bacquet.

L’espace était chose finie.

Les êtres vivants devenus des immortels.

Lorsque les oiseaux marchèrent sur l’Atlantique,

La souriante fourmis m’embrassa sur l’iris.

C’était une caresse rugueuse.

J’aimais cet ange haïssable.

Je conversais silencieusement avec les fantômes.

Leur malheur me fît danser de dégoût.

Les disciples enseignèrent ce calcul au maître.

Jésus parla aux fidèles musulmans.

Les astres se formèrent enfin à l’apocalypse.

Et Dieu sourit à la boutade de son meilleur ami, Satan.

La nuit devînt un éternel jour.

Quand alors j’ouvris les yeux, mes paupières se fermèrent sur les pyramides de Khéops à Boké.


Il y a

Conakry Water. Crédit : Jeff Attaway
Conakry Water. Crédit : Jeff Attaway

Il y a en Guinée un petit village.

Il y a à cet endroit un joli ruisseau.

Il y a face à ce cours d’eau, d’indescriptibles sentiments qui nous viennent

Et qui nous font sentir bien au chaud chez nous en Afrique.

Il y a une jeune fille toujours triste qui vient s’y recueillir.

Il y a que nul ne sait pourquoi elle y pleure chaque troisième vendredi de chaque mois.

Il y a tout autour une végétation si dense que les arbres s’y entrelacent amoureusement.

Il y a de jeunes gens, à la fleur de l’âge et de l’insouciance qui y chassent la chair intrépide et se baignent.

Il y a le soir, une brise glacée qui nous fouette le visage.

Il y a dans ma Guinée, un petit village ayant un petit ruisseau.malaysia


Aussi longtemps que je t’attendrai

Crédit : Siti Fatima. Flickr.com/CC

Paris Décembre 2011, la ville est enneigée, le train de Leila s’arrête à Paris Gare de Lyon. La jeune femme est toute émoustillée. Ils ont prévu de se rencontrer dans le petit café du 16ème arrondissement. A son arrivée, elle est toute courbatue par le voyage, mais c’est à peine si elle sent cette fatigue qui tord son corps.
En effet depuis qu’elle a quitté Nice, depuis qu’elle a quitté Conakry tout court, elle ne fait que penser au moment où encore, il la prendrait dans ses bras, l’embrasserait comme avant. Cette scène elle l’a imaginé tant et tant de fois que maintenant c’est devenu comme un film qu’elle se repasse dans sa tête. Elle espère que tout se passera bien, espère retrouver son homme d’autrefois. Cet homme c’est Alain, un américain d’origine guinéenne. Ils se sont connus durant leurs années de lycée. Ils avaient alors dû chacun, après l’obtention de leur bac aller continuer leurs études dans des pays respectifs. Elle, en France et lui aux États-Unis avec cette tenace ambition qu’il avait d’intégrer Us Army. Chose finalement faite au prix de mille concessions et efforts qu’ils avaient dû tous les deux faire. Il avait quasiment été impossible de se voir durant toutes ces années de séparation. Un soir alors qu’ils étaient au téléphone, il lui avait juste dit :

-Écoute, … Je n’en peux plus de cette situation, il n’y aura jamais de bon moment pour pouvoir aller te voir, il y aura toujours un empêchement ou trop de boulot, j’en ai marre c’est décidé je viens te voir.

Elle n’en revenait pas, mais c’était bien vrai. Il avait atterri hier à l’aéroport Roissy Charles-De-Gaulle, et dès son appel elle avait immédiatement réservé son billet. Dans sa tête c’est comme un comte de fée, Paris à Noël, Paris en hiver, Paris cette ville magique. Elle avait toujours eu un grand coup de cœur pour la grande métropole, le caractère cosmopolite qu’offraient les nombreux étrangers, le musée du Louvre, les magnifiques cathédrales, la Seine, la Tour Eiffel et son champ de Mars, … Tant de petites merveilles pour les yeux réunies en un même endroit était juste exquis. Elle ne pouvait donc imaginer meilleur cadre que Paris pour le revoir, revoir son lui. Néanmoins, Leila était quand même anxieuse. Alain avait changé, elle lui avait continuellement parlé durant ces trois années mais était-ce suffisant pour conserver la relation fusionnelle qu’ils avaient ? Elle se plongea involontairement dans ses souvenirs, tour à tour elle vit la lycéenne qu’elle était avec son uniforme bleu et blanc, ces petits baisers échangés très vite dans les couloirs, ces regards langoureux et ces sourires séducteurs qu ‘elle lançait à la volée à Alain, toutes ces petites mimiques d’adolescente amoureuse lui revinrent à l’esprit. Elle avait connu quelques garçons mais lui avait ce petit quelque chose d’inhabituel, qui à ses yeux le rendait unique.

Aujourd’hui ils étaient d’autres gens, elle une jeune femme en Master 1 de communication et lui un Marins de la US Navy. Elle ne savait pas dans quel état d’esprit, il serait. Cette nuit-là, elle ne dormit pas excitée à l’idée de le revoir. Leur couple avait-t-il finalement tenu le coup ? Ont-ils toujours un avenir ? Peuvent-ils encore s’entendre, se comprendre d’un regard comme avant ?

À une heure de leur rendez-vous, Leila ne tient plus en place. La jeune femme décide d’aller marcher, pas trop loin de leur lieu de rencontre. Il fait froid, les arbres sont dénudés de leurs feuilles : un paysage plutôt triste. Paris n’est pas à son beau jour et offre un véritable contraste avec sa gaieté intérieure. Des enfants courent dans sa direction, deux filles et un garçon, leurs joues rosies par l’air sec et froid. Elle leur sourit béatement, l’esprit ailleurs. Elle regarde machinalement son bracelet-montre Dior qui indique 13h30. Leila inspire un grand coup et se dirige vers le lieu du rendez-vous, ses mains gantées et tremblantes calées dans ses poches. Devant le café, elle s’arrête un moment. Elle sait qu’il est là, elle l’a vu à travers la vitrine. « Mon Dieu, qu’il a changé ! » se dit-elle. La jeune femme entre dans l’établissement d’un pas assuré. Il ne l’a pas vue lui. Il a toujours avec ce mignon petit air rêveur qu’elle lui connait. Alain se lève du haut de son mètre 90 dès qu’il la voit, et Leila n’y tenant plus se jette dans ses bras, ces bras tant voulus et tant attendus. Mais la jeune femme a l ‘étrange impression qu’ils ne la serrent pas comme avant, pas comme elle s’y attendait. Leila accuse le coup, « c’est certainement la surprise, l’émotion. » tente-t-elle de se convaincre. Il ne dit rien, elle non plus, elle ne fait que sourire. Ils se regardent un instant puis Leila brise le silence :

-Comment vas-tu ?

Il répond avec des mots calmes, précis et la conversation se fait à bâtons rompus. Alain n’est pas à l’aise. Il tente de le cacher tant bien que mal mais cela se voit. Il donne même l’impression d’être gêné. Leila n’en voit pas la raison mais elle ne veut pas l’embêter, elle sait que durant leur petit congé en amoureux, il se lâchera petit à petit et tout ira pour le mieux. Elle n’est pas inquiète, au contraire elle envisage l’avenir avec sérénité maintenant que l’être cher est là . Ils continuent à parler de tout et de rien, à prendre des nouvelles l’un de l’autre, mais c’est surtout Leila qui alimente la conversation. Alain a l’air épuisé, du voyage certainement. Durant un court moment de silence, Alain reprend la parole :

-Leila… Commence-t-il, d’un ton grave qu’elle ne lui connaît pas.

Pendant qu’il parle, il pose inconsciemment ses mains -qui jusque là étaient restées sous la nappe blanche- sur la table. La jeune femme les regarde négligemment puis continue à l’observer, cherchant à savoir ce qu’il tente de lui dire depuis tout à l’heure. C’est alors que Leila réalise qu’elle vient de voir : un anneau doré qui orne son annulaire. Les yeux écarquillés, sourcils froncés, elle reporte son attention sur sa main baguée. Elle a peur de comprendre, ne veut pas comprendre. Cette sensation de gêne persistante, ce froid dans ses bras, ce regard fuyant s’expliquent-ils par ce bijou? Elle pose sur Alain un regard rempli de questions. Il a suivi son regard, il sait qu’elle a compris.

-Leila laisse moi t’expliquer, tente-t-il prudemment d’une voix lente, coupable.

Mais celle-ci n’entend plus rien, elle se sent défaillir. Les murs du café s’obscurcissent et l’espace d’un instant, elle ne sait plus où elle est. Elle ne saisit piètre mot, du monologue dans lequel le jeune homme s’est lancé. Seuls ces mots font écho dans sa tête : « mariage », « j’étais obligé », « mais c’est une fille bien » et enfin « enceinte ». Les larmes inondent son visage et elle se laisse tomber sur le sol moquetté du café, dans un fracas assourdissant qui fait se retourner plusieurs têtes de clients intrigués.