Dieretou

Déjouer les pièges de l’institutionnalisation de l’activisme

Marathon #RunForYourRights #1Km1Droit à Conakry, le 8 mars 2017. DR

Lorsque nous avions démarré le mouvement « Guinéenne du 21e siècle » en 2016, nous voulions innover dans la manière de lutter pour les droits de la Guinéenne.

En effet, mon reproche principal au Ministère guinéen de l’Action sociale et de la Promotion féminine ainsi qu’à toutes ces structures/ONG déjà existantes était qu’elles s’étaient trop laissées absorber par les journées « de formation, de sensibilisation », etc., au point que celles-ci s’additionnaient sans cesse, alors que sur le terrain, aucun changement réel n’était constaté. Des femmes mariées légalement sont répudiées sans pension alimentaire ni autre forme de procès, piétinant ainsi leurs droits. L’excision bat son plein, les mariages forcés, le lévirat et le sororat demeurent d’actualité et le patriarcat brille de mille feux en Guinée.

Moderniser les moyens de lutte

Si la sensibilisation et l’éducation restent des moyens clés et indispensables pour faire évoluer les mentalités, il ne faut pas que toute la lutte ne se résume qu’à cela, me suis-je alors dit. Je ne comprenais par exemple pas comment, avec l’avènement du numérique, on n’essayait pas d’inclure des médiums modernes tels que les médias sociaux dans ce combat de longue haleine. Aujourd’hui, en 2017, lancer une campagne avec un hashtag lorsqu’on milite pour quelque chose est devenu presque naturel en Guinée, mais cela n’a pas toujours été le cas. En 2015 par exemple, seule l’Ablogui procédait de la sorte, et de notre côté lorsque nous lancions #Guineennedu21esiecle, c’était l’une des premières campagnes féministes utilisant le canal digital dans le pays. Nous voulions bousculer les codes du 8 mars chez nous en lançant cette campagne numérique. Avant d’en faire un collectif à caractère résolument disruptif, nageant à contre-courant des procédés actuellement utilisés en Guinée. La façon douce longtemps mise en pratique par les ONG – caresser dans le sens du poil des machos, sexistes invétérés qui ne veulent pas renoncer aux privilèges qu’une société leur offre en attendant qu’ils changent d’eux-mêmes – ne m’intéressait pas.

À mes yeux, que le changement escompté vienne de la gent masculine guinéenne elle-même relevait d’une utopie qui ne disait pas son nom. Les femmes devaient plutôt arracher leur place à la sueur de leur front. Je voulais durcir le ton de notre collectif, générer une pression sur l’État pour qu’à terme, il soit par exemple obligé de pénaliser la pratique des MGF. Je voulais scandaliser l’opinion nationale par des actes osés que nous poserions, mais aussi à travers une médiatisation exacerbée des horreurs que subissent les Guinéennes. Choquer les gens au point que la société se réveille et réalise la laideur des conditions de vie des Guinéennes :

Et ce ne sont que deux classements parmi d’autres où la position de la Guinée fait froid dans le dos. En décembre 2012, six hommes avaient violé une étudiante de 23 ans alors qu’elle se trouvait dans un bus de New Delhi avec son petit ami. La victime est morte de ses blessures. Cette affaire avait révulsé le pays. Elle a permis en outre, de mettre au jour les violences subies par les femmes en Inde et l’indignation collective a abouti à des mesures prises par le gouvernement : formation du personnel de police, accusé d’être insensible, à mieux évaluer les plaintes reçues sans culpabiliser les victimes, augmentation du nombre de bus la nuit, plus de patrouilles de police sur les trajets très fréquentés par des femmes.

Je suis persuadée que dans certaines circonstances, il faut brutalement et de manière créative exposer la réalité pour provoquer un électrochoc en vue d’un changement. C’est ce qu’il s’est passé en Inde. La société civile et les structures de défense des droits de l’Homme ont savamment su « tirer parti » d’un acte odieux pour s’imposer sur l’État, et exiger des réformes avec vigueur. Elle ne s’est pas contentée de former, de sensibiliser à travers des manuels, elle n’est pas restée dans la théorie. C’est le sort que je veux pour le collectif Guinéenne du 21e siècle : être une organisation qui agit durablement.

Avec Guinéenne du 21e siècle, nous voulions sortir de ce conformisme de l’activisme féministe dans lequel les institutions en Guinée se complaisaient.

Mais la réalité est toute autre

Armées de bonne volonté, depuis la création du collectif nous avons mené plusieurs actions sur le terrain après la campagne numérique initiale qui nous a permis d’asseoir une certaine notoriété. Nous avons sensibilisé et éduqué (puisqu’il faut bien passer par là) via des ateliers de formation à Conakry, mais aussi des jeux éducatifs axés sur la culture du féminisme en Afrique avec des lots à gagner. Nous avons initié des campagnes contre le viol, aidé à collecter des fonds pour des personnes atteintes de cancer, notamment du cancer du sein. Nous avons joué la carte de la provocation en organisant un marathon intitulé #1Km1Droit en pleine capitale, où nous avons invité les Guinéens à se rappeler de leurs concitoyennes des zones rurales qui parcourent des dizaines de kilomètres pour avoir accès à de l’eau potable, à un dispensaire ou à une école, Guinéennes oubliées des politiques publiques. Il s’agissait de courir en ayant affiché sur son dossard le droit pour lequel on faisait ses kilomètres. Mme Sanaba Kaba, qui était alors ministre de la Promotion féminine, m’avait formellement demandée dans son bureau de ne pas organiser d’événement le 8 mars à Conakry mais de donner la priorité aux « activités initiées par le gouvernement ». Mais nous y sommes tout de même allées, le marathon s’est tenu, car notre but était d’interpeller le gouvernement, avec ou sans son accord.

Malgré ma volonté de rester le plus original possible pour intéresser les jeunes aux droits de la femme, je me suis rendue compte après un peu plus d’un an d’existence du collectif combien il est facile de basculer dans la face obscure du militantisme. En effet, si l’on n’y prend pas garde, on peut très vite se contenter de peu et donc de rien dans ce domaine qui nécessite pourtant de mobiliser des efforts considérables. Une formation donnée ici et là de temps en temps, des campagnes lancées quelques fois sur Facebook suffisent parfois à donner le sentiment du devoir accompli quand sur le terrain, des milliers de jeunes filles attendent qu’on fasse plus, mille fois plus pour elles. J’ai réalisé qu’il était très simple de devenir comme ces ONG à qui je reprochais avant leur inaction, archaïsme, institutionnalisme et lourdeur. Ces ONG pour qui quelques apparitions à la télé et quelques accords signés avec le ministère de la femme et de l’enfant autour d’une mission ponctuelle donnaient la latitude de se targuer de faire avancer les choses sur le territoire.

Lorsque j’ai été élue à la tête du collectif, je me suis promise que Guinéenne du 21e siècle ne serait pas une énième ONG ou association pour les femmes à rejoindre le tas, mais que le collectif se démarquerait par son originalité, sa capacité à fournir des solutions pérennes et à les matérialiser.

Aujourd’hui, lorsqu’on veut lancer une action précise, on pense aussitôt à sa déclinaison digitale. C’est une excellente chose mais je pense qu’il faut aller plus loin. Il y a quelques mois par exemple, un de nos membres voulait démarrer une campagne digitale pour un sujet qui faisait l’actualité et passionnait les foules. Après lui avoir demandé quel était son objectif final en réalisant une telle action,  la jeune femme m’a répondu qu’elle voulait emmener le gouvernement guinéen à agir. Je m’y suis opposée car la campagne numérique n’était pas le meilleur moyen pour cela, et que cette action aurait mobilisé de l’énergie dépensée inutilement. Il ne suffit pas de faire du bruit pour en faire, mais bien parce qu’on pense que cela peut être pertinent à un moment-clé. La paresse aurait voulu que nous nous engagions dans une campagne inefficace juste pour montrer que nous aussi, nous faisions quelque chose à ce moment-là. J’ai demandé à ce membre déçu par mon refus de réfléchir à une méthode plus adaptée à cette problématique et qui sera productive, même si cela prend plus de temps.

C’est bien le danger vers lequel tend l’activisme en Guinée aujourd’hui. En plus des personnes qui s’y lancent par opportunisme, l’activisme est devenu mimétique, un phénomène de mode dépourvu d’originalité mais aussi de conviction et in fine de résultats. Ce sont quotidiennement les affres contre lesquelles nous nous battons au sein du collectif Guinéenne du 21e siècle.

C’est parce que nous voulons laisser notre empreinte sur l’avenir de milliers de jeunes Guinéennes que nous allons démarrer au premier trimestre de 2018 des travaux de révision des lois guinéennes qui contiennent de nombreux passages sexistes. Selon le code civil guinéen, par exemple, un homme peut divorcer pour adultère commis par l’autre partie mais pas une femme. L’arsenal juridique guinéen est parsemé de petites dispositions, qui au premier abord passent inaperçues mais qui ont de fâcheuses conséquences sur la vie de millions de Guinéennes.

A la suite de cette étude approfondie, nous proposerons des modifications des articles concernés et défendrons avec la dernière énergie ces amendements que nous soumettrons à l’Assemblée Nationale Guinéenne.

Le militantisme se vit, il est actif. La société civile doit ressembler à un gigantesque think tank d’où émane perpétuellement des solutions, sinon elle faillit à sa mission.


Florian, nous ne t’oublierons pas

Florian Kaptue, DR

Le 17 avril dernier, la plateforme Mondoblog perdait un de ses contributeurs, un de ses vaillants soldats du blogging dans un accident de la circulation au Cameroun. Ce frère et ami parti sans que nous puissions lui dire à quel point nous tenions à lui, à quel point il représentait un maillon important de la chaîne Mondoblog, c’est Florian Kaptue, 42 ans. Les blogueurs ont alors, en sa mémoire, rédigé ces quelques lignes. 


Françoise Flageul-Ramel

Florian Kaptue et moi, nous aurions pu nous croiser sans nous parler, sans nous voir, comme toutes ces vies qui vont et viennent, comme des lettres qui voyagent, et puis un jour le courrier s’entasse à la porte car plus personne n’habite à l’adresse indiquée.

C’était sans compter la flamme de Florian et son désir d’aller au bout d’une amitié, de rendre hommage à une française qui lui a tout appris, Sœur Marie Roumy, ne serait-ce que dans sa façon de donner, d’écouter, d’accompagner, parce qu’elle l’a mis lui, Florian, sur le chemin pour à son tour s’intéresser et aider les enfants des rues, en tant qu’éducateur.

Lors de la formation Mondoblog à Dakar, Florian m’accoste parce que je suis bretonne. A ses yeux, je peux l’aider à concrétiser certains de ses projets, dont l’écriture d’un livre dédié à cette religieuse qui lui a peut-être parlé un jour de lointains souvenirs d’enfance en Bretagne. Comment savoir ?

Il me remet un dossier papier sur la dernière célébration de l’anniversaire de la mort de Bombo, comme on l’appelle là-bas, une femme dont j’ignore tout, mais qui est devenue un emblème quelque part sur cette terre, parce qu’elle a voulu que le sens de son engagement soit lié au sort de toute une communauté, au sort des plus fragiles, des plus miséreux.

En pensant à ces mômes à l’abandon, pourquoi ne parle-t’on pas plutôt de graines d’espoir, ces graines d’amour qui poussent dans les rues comme des fleurs sauvages, au gré du caprice des vents, de sols meubles ou d’une faille infime dans le rocher ? Est-ce si contre nature de regarder ces enfants, à l’image des foules de réfugiés que les Etats marchandent au plus offrant, comme un possible espoir incarné ? Celui de vérifier combien une simple main tendue peut décider du cours de nos vies et pas seulement de leur survie.

A Dakar, je ne m’engage pas, je temporise, mais le jour où Florian me recontacte à distance, je suis heureuse d’avoir le dossier sous la main dans la minute, comme si la seule idée de décevoir son attente était une offense que je me serais faite à moi-même.

S’ensuivent des échanges facebook, simples, chaleureux, où je sens combien je peux apprendre de cette expérience qui m’est si lointaine, et dans ma propre histoire, et dans mon quotidien. Florian compte sur moi pour retrouver des éléments de la vie de Sœur Marie Roumy avant l’Afrique et pour l’accueillir quand il viendrait en Bretagne remonter le fil de l’histoire. Il dit merci. Je réponds : de rien, j’espère juste ne pas décevoir ton espoir.

Et la déception vient d’ailleurs, de ce fil rompu quand il n’était encore que l’ébauche du projet à venir, d’une amitié qui ne fait pas défaut même quand l’autre est parti. Ce qu’elle laisse, cette amitié, est tellement fort, tellement porteur de sens. Comment penser l’absence comme une autre présence ?

Ce livre sur Sœur Marie Roumy que Florian Kaptue n’écrira pas existera parce qu’il l’a voulu et parce qu’il ne travaillait pas seul. C’est d’ailleurs cet esprit d’équipe solidaire qui fait qu’une ma boîte de messagerie m’annonce un jour, par la voie du président de l’association, ancien enfant des rues accompagné par Bombo et Florian, la mort accidentelle de celui qui avait commencé à tisser le lien, à Dakar, pendant une formation Mondoblog, pendant que je pouvais ouvrir les yeux sur cette Afrique dont je sais si peu de chose.

Florian m’aurait guidé, Florian m’aurait appris, et c’est comme si la main tendue un jour par une française quelque part sur cet autre continent revenait vers moi pour que j’ouvre mon cœur, mes yeux, mon univers, une main pour m’aider à ne plus avoir peur, moi l’enfant déçue, moi l’ange déchu d’une époque en mal d’utopies humanistes.


Guy Muyembe

Pour moi, Floriant Kaptué était un miroir dans lequel je me reconnaissais. En effet il était un type plutôt introverti. Il aimait à méditer sur tout.

Je puis dire que 70% de ses traits de caractères se retrouvaient chez moi. Et c’est sans doute la raison majeure de la bonne entente entre lui et moi alors qu’on était conduit à partager la même chambre lors de la mondoformation à Dakar.

Il me venait souvent à l’idée d’aller tenter de cerner le sujet de ses pensées par une question  : « Tes enfants ont sans doute pleuré en te voyant quitter Douala, n’est-ce pas ?» Et il me répondait de sa voix hésitante combien il aimerait aller vite retrouver les siens.

S’il y a un un caractère qui le distinguait carrement de moi c’est la «douceur».

À Dieu Florian.


Yves Tchakounté

« Tchakou, on se voit quand ? »
Kaptué, je me rappelle très tristement de ces mots affectueux que tu me lançais comme des intrigues après notre retour de Dakar. Camerounais et vivant à Douala comme moi, le destin a voulu que ce soit à Dakar que nous fassions connaissance. De retour à Douala, tu n’as cessé de me titiller par ces mots qui résonnent encore : « Tchakou, on se voit quand ? ». Ton départ vers l’au-delà est comme une punition pour cette sociabilité non assumée en répondant : « Tu es pressé ? ». Cette réponse me torture encore. Je ne croyais pas si mal faire. Quelle fin ! Seigneur, ait pitié de moi.

Didier Ndengue

Pour Florian

Où es-tu mon grand ? Ton téléphone ne sonne plus, aucun signal. Qu’est ce qui ne va pas ? Es-tu retourné à Dakar, à l’espace Thialy ? Parce que je constate que tu n’es plus dans la circulation. Toi qui me réveillais souvent les lundis matin avec tes multiples appels téléphoniques. « Bonjour Didier ! M’as-tu laissé le journal à Macacos ? » C’est la principale question que tu me posais. « Oui Florian, il y a ton paquet de journaux à la guérite. » Après une dizaine de jours au Sénégal, notre amitié s’est consolidée au bercail. Avant ton départ pour l’éternité, je voulais t’annoncer une bonne nouvelle : J’ai eu un prix littéraire en France en avril. J’imagine ta joie. Et même ta réplique : « Bravo mon frère…on fête ça quand ? »


Roger Comlanvi Mawulolo Las

Tu as participé à tes propres obsèques en rêve,
C’est ce que tu nous as dit dans ton billet du 20 septembre 2014.
Voici ton rêve réalisé. En es-tu heureux?
Ne pouvant le savoir, nous nous te pleurons
Nous sommes choqués et sommes tristes
Que de là-bas tu continues d’écrire, de bloguer
Que là-bas tu continues d’être toujours aussi calme et discret
Que la terre te soit légère et
Que Dieu t’accueille dans son paradis...


Benjamin Yobouet

Tu dragues une fille cette semaine, la semaine d’après, on te dit qu’elle ne vit plus. Tu échanges avec une connaissance matin, le soir on t’annonce qu’elle est partie pour toujours. Tu rigoles avec un ami le soir, le lendemain, on t’apprends qu’il a rendu l’âme.

C’est quoi tout ça? La vie a-t-elle un sens?  Aidez-moi à trouver une réponse car je suis bouleversé, attristé, confus… Ce n’était certes pas mon ami mais c’était un blogueur comme moi donc un ami tout de même.

Il aura fallu plus de 2 semaines pour apprendre ton départ définitif dans ce pays où on ne revient jamais. Non ! Florian n’est pas mort. Non et non, il est juste parti là-bas, oui là-bas…Il nous a devancé. Florian, que la terre te soit légère ! Tes amis mondoblogueurs te pleurent…


Atman Bouba

70 au départ, 69 à l’arrivée : un manque désormais à l’appel

Au départ, je veux dire à la formation de Dakar, nous étions 70 blogueurs réunis. Désormais, nous ne sommes plus que 69 pour la simple raison que Florian Kaptue s’en est allé. Florian, a rendu l’âme en avril et aussi bizarre que cela puisse paraître, l’information ne nous ait parvenue que trois semaines plus tard. Ce qui fait froid dans le dos, c’est de découvrir qu’en septembre 2015, il publiait un article sur un rêve qu’il a eu. Rêve dans lequel il était mort suite à un accident de la circulation. Son billet « Comment j’ai pu assister à mes obsèques » est assez troublant. C’est vrai, on avait échangé que quelques mots mais j’avais son visage en mémoire. 70 blogueurs au départ à Dakar, nous ne sommes plus que 69 à présent. Désormais, un seul manquera à l’appel, et c’est Florian.


Moussa Magassa

Quand j’ai appris le décès, je n’arrivais pas à ajouter un visage à ce nom car nous étions nombreux à Dakar. « Florian Kaptue, ce nom me dis quelque chose » me suis-je dis dans un premier temps. Lorsque Guy Muyembe publiait enfin sa photo, je suis resté à la fois consterné et sans mot. Il était calme, assez réservé mais toujours prêt pour le débat. c’est normal car c’était un Mondoblogueur. En ce jour où, à travers les mots tes amis de Dakar te rendent hommage, je veux juste t’exprimer mon regret de ne plus pouvoir te revoir sur cette terre. J’espère juste ne pas être confronté à de pareille situation pour exprimer mon attachement à toutes ces personnes que j’ai rencontré à Dakar et qui font désormais partie de ma vie. Repose en paix frangin!


Dieretou Diallo 

Bonjour Florian Kaptue. Bonjour puisque c’est bien la première fois que nous nous parlons. Oui, car je considère que ces mots que je couche ici sont un échange avec toi. Un échange tardif certes, mais un échange tout de même. En effet, j’aurais pu mieux te connaître à Dakar, venir te parler et peut-être te voler un sourire. Mais j’étais tellement préoccupée par des histoires de paperasse, des problèmes qui semblent si dérisoires désormais, maintenant que tu es parti et que c’est trop tard. Je t’ai aperçu deux ou trois fois en tout, dans les couloirs de l’AUF. Visage éteint, calme, petit sourire en coin… mais tu dégageais une certaine tranquilité, une force latente…

Ton accident m’a bouleversée, le billet prémonitoire que tu as rédigé m’a dévastée et que nous le sachions seulement  3 semaines plus tard m’a consternée.

Tu es parti à la fleur de l’âge adulte, et de ce que j’entends, tu avais plein d’étoiles dans les yeux. Comme c’est injuste, mais nous ne t’oublierons pas. Tu laisses une marque indélébile dans nos cœurs et tu sais ce qu’on dit, « il n’y a que les meilleurs qui s’en vont tôt ». Je veux bien croire que tu fais partie de ceux-là.

Face à l’éphémérité de la vie, je ne peux que te souhaiter de reposer en paix, cher ami, mon frère.


Jeff Aston Ikapi

florian Kaptue, caric, DR

Ce dessin illustre l’un des souvenirs que j’ai pu garder du très discret Florian Kaptue, à l’issue de la formation Mondoblog que nous avions suivie à Dakar. Le mondoblogueur s’en est allé à la fleur de l’âge suite à un accident de la circulation. Le plus troublant est que deux ans auparavant, dans le troisième article publié sur son blog, Florian disait avoir fait un rêve dans lequel il se voyait mourir dans les mêmes circonstances. La croyance chrétienne dit qu’après avoir fait un rêve prémonitoire, il suffit de faire des prières pour conjurer le sort. Si Florian l’avait fait, serait-il des nôtres aujourd’hui ? Je l’ignore. Mais ce qui est sûr c’est qu’au final nous avons tous le même destin et personne ne peut y échapper. A Dieu Florian.


Eric Léon

A l’annonce du décès de Florian Kaptue, notre frère de plume et de clavier àmondoblog, j’étais évidemment incrédule. Non, Florian ne peut pas mourir, pas lui, pas dans un accident de la circulation ! Pas après avoir passé cette formidable semaine avec les mondoblogueurs à Dakar !

Là, il faut que je m’ouvre une bière pour accuser le coup. Je commence à réaliser. La vie tient à tellement peu de choses. Le dernier contact que l’avais eu avec lui était une conversation messenger brève du genre « bonjour Eric, bonjour Florian, alors depuis le Sénégal, tu te portes bien ? (…) » je voulais répondre plus tard. Flemme. Procrastination. Tout moi ça. Et puis voilà, je n’ai plus personne à qui répondre. On croit qu’on aura le temps, mais la mort est là pour nous rappeler que non, on a pas tout notre temps. Je devrais me rappeler de ça tous les jours d’ailleurs.

Et puis, je me rappelle de Florian. Quels souvenirs est-ce que j’ai de lui ? Son regard fixe. Son cahier A4 avec couverture en carton dont il ne se séparait jamais. Sa posture avec un bras dans le dos qui tenait l’autre au niveau du coude. J’avais eu quelques conversations avec lui, mais elles avaient toujours été étranges.

Florian, mon humour et ce post, c’est ma manière de te rendre hommage. Je sais que tu aurais apprécié. A ta manière cependant

Tu sais que je ne crois pas en Dieu, ni au paradis et encore moins à l’enfer. Je crois en la bonté de l’Humain. Tu étais quelqu’un de bon, je le sais. Je ne sais pas sur quelle planète tu te reposes actuellement après ta courte mission sur terre, mais je te souhaite d’y rencontrer toute la paix de notre magnifique univers.

Au revoir Florian.


 

Honyiglo Aris

Florian Kaptue, je ne te connaissais pas, jusqu’à ce que tu commentes un de mes billets. Alors, comme je le faisais souvent, je suis allé voir qui tu étais. Du moins, ce qu’il écrivait, ce que tu disais, le message que tu voulais faire passer. J’ai vite compris, j’ai vite « senti » que tu es, tu étais une personne très humble, calme, peu loquace mais qui cachait une très grande personnalité. La rencontre physique n’a fait que confirmer ce que j’ai pensé de toi à des milliers de kilomètres.

Sauf que tu n’étais pas Congolais comme je l’avais cru mais bien Camerounais ! Sauf que tu n’étais pas bavard mais très affable. Sauf que tu parlais peu mais maîtrisais beaucoup de sujets. Comme tu l’as confirmé dans cette brève discussion que nous avions eu, ce jour-là, à 3 heures du matin.

Adieu Florian !


Ecclésiaste Deudjui

Florian Kaptue est donc mort ! J’ai appris ça comme un coup d’épée dans le ventre, à 1h40 du matin quand je suis rentré chez moi dimanche soir. Je me suis connecté sur notre réseau qui n’est pas si « réseauté » que ça en fait, puisqu’il a fallu plus de trois semaines pour qu’on se rende compte que Florian, l’autre Florian, le Florian invisible, avait finalement décidé de nous abandonner sans même prendre la peine de nous dire au revoir !

Bref, qui était Florian Kaptue ? Je sais que beaucoup de blogueurs ne le côtoyaient pas, ou l’inverse. Je pense qu’il faut qu’on dise à ceux qui n’étaient pas à Dakar que c’était un gars effacé, inaudible, invisible (je sais, je l’ai déjà dit). Et même que quand Melissa nous avait annoncé que « Voilà votre chambre ! », nous avons tous été unanimes pour dire que c’était à Florian Kaptue de conserver les clés de notre cabane.

Alors les mots me manquent, et pourtant ce sont eux qui m’unissent souvent à vous. Mais si jamais quelqu’un me demande qui était réellement Florian Kaptue, si on me demande s’il était bon ou bien s’il était gentil, si on veut savoir si c’était un méchant homme ou alors si c’était un très bon Camerounais, je donnerai toujours la même et unique réponse : Florian Kaptue était un mondoblogueur.


Le Parisien en 10 points

Andreas Kusumahadi / CC Flickr.com
Andreas Kusumahadi / CC Flickr.com

Depuis deux mois et demi déjà, je côtoie l’espèce parisienne du Français, le Français qui se réclame le plus Français de France. Celui qui a plaisir à se qualifier « de souche » si vous préférez… 

Pour beaucoup d’entre eux, la France se limite à Paris, à leur place Troca’, à leur champ de Mars, à la Gare du Nord, à la Tour Eiffel, aux champs Élysées, blablabla.  Il s’agit là d’une catégorie bien particulière, qui a ses propres codes, sa mentalité, mais aussi son caractère !

J’observe ce spécimen depuis quelques temps et j’ai pu à loisir le décortiquer, l’analyser, le psychanalyser à la Freud. Remarquez, avec tout le temps que l’on passe dans les transports ( 1h de temps d’un point A à un point B ? c’est la baaase ! -entendez le minimum- ). Comment ne pas trouver sujet à distraction, matière à réflexion dans les wagons rouillés qui se traînent clopin-clopant sur les voies du métro (et du RER) parisien ?

Bweef, mes dernières études sur le Parisien seront bientôt publiées dans la revue scientifique Sciences et avenir (rien que la vérité). En attendant, je vous livre ici -et en exclu- quelques remarques tirées de mon décryptage.

1- La Parisienne se maquille dans le métro

C’est un fait de notoriété publique que les Parisiens sont toujours pressés, qu’ils courent  toujours d’un coin à un autre, qu’ils ont en obsession d’arriver en retard. Aussi, j’ai pu constater que leurs femelles ne prenaient pas le temps d’achever leur « customisation » chez elles. Allez on embarque, on finira ça dans le métro va : petit coup de mascara ici, rouge à lèvres repassé par là. Elle attire les regards ? She don’t give a single f*ck.

2- Ils vous demandent la permission de se coller à vous pour passer les portillons du métro

Les Parisiens (beaucoup) n’achètent pas de tickets métro. Parfois c’est même pas qu’ils n’ont pas assez de sous, mais comme ils n’ont pas le temps, (voir point 1) et comme ils courent toujours, bah forcément ils ne peuvent veulent pas s’arrêter au guichet ou à l’automate.

Donc le plus simple c’est vraiment de se coller à votre popotin et de passer ensemble les portillons de contrôle, 2 pour le prix d’un. Si vous acceptez et que vous avez du bol ce jour-là, il vous dira merci après. Sinon observez le partir tel un vantard roitelet … Ce sont les mêmes (les fraudeurs) qui flippent à mort dès qu’ils voient des gens avec des habits aux teintes bleues, vertes ou sombres. Ils s’imaginent tout de suite que ce sont des contrôleurs. Vous le lisez au ouf de soulagement qui se dessine sur leurs traits dès lors qu’ils s’aperçoivent de leur erreur.

3- Ils dorment dans les transports

Oui, c’est comme ça qu’ils font pour reprendre des forces entre 2/3 rendez-vous. Le matin croisez-les à 7h-8h dans le métro, ils font la petite sieste -après s’être maquillé biensur- avant d’arriver au travail. Même constat au retour le soir. Avant d’arriver à la maison, dans le bus ils dorment encore un peu, histoire de prendre de l’avance sur le dodo à la maison… Et méfiez-vous rien ne les réveille, ni le coup de frein violent du chauffeur encore moins les conversations autour. Ils ont un sommeil à toute épreuve, adapté au vacarme parisien quoi. Surveillez vos arrières, l’un d’entre eux pourraient un de ces quatre vous baver sur l’épaule. Li-té-ra-le-ment.

4- Ils lisent, écoutent de la musique et mangent dans le métro

Chris Brown /CC Flickr.com
Chris Brown /CC Flickr.com

Le métro est décidément leur habitat naturel. Ils s’y sentent comme chez eux ces Parisiens. Ils y font tout ce qu’ils peuvent faire chez eux. Vous reprendrez bien un peu de bactéries avec ce grec ?  Miaam ! *selèchelesbabines*

5- Ils râlent all the day

Le parisien ? c’est LE stchroumpf grognon. Au boulot, dans la rue, peut-être même pendant l’amour, il râle. « Y a plus de café ? Putaaain ! »

6- Avoir l’accent du sud ? C’est OUT, ringard. Mais habiter à Nice ? C’est trop claaassssse !

« Ahaha mais regarde comme elle parle ? Tu viens de Marseille? » C’est LA phrase fétiche, tu as envie de les taper. Pour eux tous les accents du sud sont les mêmes, Toulouse, Marseille, Toulon, tout pareil. T’es un blédard point. Par contre habiter la Côte d’Azur? (comme moi) ça c’est d’enfeeer ! « Hein que tu fais la fête tout le temps Dieretou?, Allez c’est trop beauu *yeuxdebiche* je t’envie, tu fais la belle vie » Pause. Hashtag-plage. Hashtag-beau temps. Hashtag-French Riviera AKA coin de riches ». Mouais.

7- Petit rayon de soleil ? On sort les débardeurs alors qu’on se les gèle !

Le Parisien s’en fiche de la température dès lors qu’il y a un peu de soleil. On dégaine les débardeurs et les tongs, il fait 0 dégré mais il fait beau c’est la fête du slip ! Allelujaah !

8- Dans le métro, ils se mettent toujours du côté de la sortie qu’ils vont emprunter

C’est pour gagner en temps qu’il te dira. Tu es au numéro 8 et tu n’as toujours pas compris que le capitalisme l’a formaté pour aller plus vite, à avoir un meilleur rendement, à augmenter la productivité ? Zéro spontanéité, il calcule tout. Le parisien a un planning, il programme tout.

9- Si tu le croise à la machine à café et que tu lui en offre un, il insistera pour te le rendre (tous les Français, mais beaucoup plus le Parisien tout de même)

Mais c’est parce que dans son petit monde, rien n’est gratuit dans la vie. Il est éduqué et s’est socialisé comme ça. Vous croisez votre collègue à la machine à café du bureau mais il se rend compte qu’il n’a plus assez de pièces ? Il accepte le vôtre un peu gêné (mais volontiers quand même, comment se passer de cette drogue, celle qui nous fait tenir surtout en hiver?) mais vous promet de vous le rendre demain. « Prochainement c’est moi qui offre » dira-t-il tout sourires.

10- Il ne prend plus le taxi, il prend Uber la journée et Heetch la nuit

Pff, le taxi c’est so dépassé ! Heetch is le new Punk ! Non seulement c’est moins cher et en plus c’est plus agréable alors pourquoi s’en priver ? 🙂 Rien à foutre de la grève des chauffeurs de taxi, ce qui lui importe c’est de faire des économies.

Maintenant vous saurez les reconnaître !


From Africtivists to Mondoblog, péripéties d’une guinéenne à Dakar

Cars Rapides à Dakar. Crédit Photo : fraggedreality (flickr.com)
Cars Rapides à Dakar. Crédit Photo : fraggedreality (flickr.com)

Par trois ou quatre fois, j’ai failli ne pas m’y rendre. Qu’y ferais-je ? Avec des gens que je ne connais pas, que j’ai brièvement côtoyé seulement sur internet. Est-ce que ça vaut le coup au final ? Je n’avais pas la tête à ça, je ne voulais pas me forcer à sourire, à faire mine de m’intéresser aux discussions, aux ateliers de formation ou même aux gens alors que j’étais en deuil, et que papa me manque férocement. Cela faisait une semaine que j’enchainais les nuits blanches, aux prises avec de coriaces insomnies. Puis on m’y a encouragée, on m’y a obligée presque et je ne regrette tellement pas d’avoir cédé.
Du Sénégal, je ne connaissais que le nom et de lointaines anecdotes contées par ma mère, Toucouleur d’origine sénégalaise. J’étais conviée au premier sommet de la ligue des blogueurs et activistes africains, rencontre physique de plusieurs e-citoyens engagés pour la démocratie dans leurs pays respectifs et ayant pour objectif de concrétiser l’initiative du réseau Africtivistes. Le sommet durerait trois jours puis je basculerais dans un nouveau bain, non moins coloré, non moins diversifié : celui des Mondoblogueurs qui tiennent leur formation à Dakar avec l’équipe de l’Atelier des Médias de Radio France Internationale.
Je suis quelqu’un de nature extravertie, rencontrer du beau monde ne me fait pas peur, j’adore tenir de longues discussions, débattre à souhait de tout et de rien (dès lors qu’il y a matière et que le sujet m’intéresse). Aussi en règle générale, de telles rencontres sont choses qui m’enchantent. Mais voilà, papa était parti et je n’étais même pas sûre d’être prête à affronter mon quotidien habituel, banal ici à la fac, à plus forte raison participer à d’aussi grands et ponctuels croisements de cultures et de personnalités différentes qui laissent des impressions indélébiles. Maintenant avec du recul, je pense m’en être bien sortie même si la succession de malencontreux événements ont quelque peu terni mon séjour mais n’en n’ont pas moins révélé la saveur et l’intensité.
En effet j’aurais dû me douter que ce ne serait pas un voyage comme les autres lorsque le 25 Novembre, alors que j’embarquais de Nice pour Paris, les douaniers ont jugé utile de retourner la moitié de ma valise de cadeaux destinée à ma famille en Guinée (qu’un ami blogueur croisé à Dakar devait leur faire parvenir) sans raison apparente. Irritée, je décide de faire contre mauvaise fortune, bonne figure. Ce n’est pas bien grave, avais-je dédramatisé. Je rachèterais d’autres cadeaux sur place, une fois arrivée que je ferai emballer. C’est ainsi que j’arrive à Paris Roissy Charles De Gaulle en escale, le temps est tellement grisâtre par ces temps d’attentats, de prochaines législatives (mais aussi de COP21) que je suis bien heureuse de pouvoir m’échapper de cette atmosphère au moins quelques jours.
Embarquement pour Dakar, catastrophe. Je tombe sur un douanier plein d’aigreur et raciste. Je ne pense pas ressembler à quelque extrémiste dans mon jean moulant, mon débardeur et mes escarpins de 10cm. Pourtant je fais l’objet d’une fouille mesquine, désagréable, et plus loin d’abus de pouvoir avec cette phrase lancée avec dédain face à mon impatience : « Je prends autant de temps que je veux, je peux décider que l’on descende vos bagages de la soute pour les fouiller sans explications, je le fais si j’en ai envie et vous raterez votre avion puis c’est tout ». Il me balance les yeux méchants : « Vous parlez français ou pas ? » Ce à quoi je rétorque du tac au tac « : Je ne sais pas, essayez pour voir. » La couleur de notre entretien est donnée. Questions poussées : objet de mon voyage, durée de mon voyage, raison de ma présence en France, date d’arrivée en France et j’en passe. Mon bagage de cabine est minutieusement retourné, mon passeport est ausculté sous toutes ses facettes, mes chaussures sont renversées, histoire de voir si quelque chose y est caché, ma trousse de maquillage est passée au peigne fin. Exaspérée, j’avance cinglante : « Vous voulez pas que je me foute à poil non plus ? Est-ce que j’ai l’air d’une terroriste ? « . Je ne me laisse pas faire et cela le met de mauvaise humeur car annihilant la piteuse autorité qu’il veut imposer, il s’acharne, je m’énerve : « J’ai hâte de finir mes études et de me barrer d’ici ». Il répond : « Oui c’est ça, partez tous ! ». Sourire ironique, je lui réponds que je resterai, rien que pour le plaisir de faire chier des gens comme lui. Je bous de colère, d’impuissance.

C’est aussi cela la France d’aujourd’hui, un pays qui cède de plus en plus au repli identitaire et à la xénophobie.

Plus de quarante cinq minutes d’élucubrations, de va-et-vients au bout desquelles je suis au bord des larmes, je n’ai pas d’énergie pour lutter en ce moment. Je trouve tout de même l’ultime force de lancer  : « Si l’avion part, et que vous ne trouvez rien dans mes bagages en soute par la suite, je ne répondrai plus de moi. Je ferai un scandale, je m’en fiche d’aller au commissariat. Je viens de perdre mon père et la dernière chose dont j’ai besoin, c’est qu’on me traite comme une moins que rien. » Petite tirade qui a du trotter dans leurs esprits. Ils ne trouvent rien, et sont bien obligés de me laisser partir après quelques vaines tentatives de justifications et recommandations pour la suite de mon parcours. J’embarque en dernier toute chamboulée, les portes de l’avion se referment juste après moi. « Dakar commence bien » me dis-je. Le vol se déroule sans encombre et l’aventure commence à Dakar. Sauf,… sauf qu’une valise est restée à Charles De Gaulle. Nouveaux tiraillements avec Air France qui tarde à me l’expédier et je n’obtiens ma valise que 72h après mon arrivée, c’est-à-dire à la fin de mon sommet, après avoir porté le même Jean plus de 48 heures.
C’étaient trois jours palpitants, rythmés de séances de discussions animées, d’ateliers instructifs de pauses café, déjeuners succulents, de rencontres passionnantes. J’ai rangé la perte de mon père dans un coin de ma tête et j’ai profité de chaque instant. J’en ressortais nettement plus outillée, plus vivante. Des Africains de l’est, de l’ouest, du nord, du sud, du centre, des rires à gorge déployée, des cultures différentes. Cet excellent orateur et maître de cérémonie que fut l’Ivoirien Cyriac Gbogou, juste équilibre entre sérieux et ton badin tout au long du sommet. L’opportunité de rencontrer physiquement le ministre sénégalais de la culture et très célèbre artiste Youssou N’dour venu nous dire bonjour mais aussi Cheick Fall, Aisha Dabo, Mohamed Diaby, Moussoukoro Diop,Demba Gueye, Cedric Kalonji, Anna Gueye, … des personnes engagées, des monuments dans leurs pays, et sans aucun doute des exemples pour tous.
Certes il m’arrivait de devoir me retirer une heure environ dans un coin seule, coupée de tous pour souffler, reprendre mes esprits, penser à papa, faire le point moralement de la journée car avant tout, c’est dur de sourire constamment à des inconnus quand le cœur n’y est pas, de devoir montrer que l’on est forte quand on a juste envie de s’effondrer. Mais ma cachette fut bientôt découverte (comment ? je ne sais pas, je pense avoir été suivie par un indic’ :-p ) et chaque fois que je m’y refugiais, un activiste arrivait plein de sollicitude : « Tout va bien Dieretou ? » ou encore « Tu es sûre que ça va ? ». Et un de ces jours, on m’a envoyé le président de l’association des blogueurs guinéens lui-même : « Elle se cache là-bas, va la voir ». J’avais envie de leur crier : « Mais OUI, tout va bien, j’ai juste envie de me retrouver seule un petit moment . » Si bien que j’arrêtai de m’y rendre, craignant de passer pour la dépressive du coin. 🙂

Mais j’étais emplie de joie, car tous ces gens qui ne me connaissaient ni d’Adam ni d’Eve faisaient malgré tout attention à moi, à mon bien-être, me prenaient dans leurs bras, me taquinaient, félicitaient mon courage d’être là lorsqu’ils apprenaient la raison de ces retraites solitaires. J’ai eu droit à un nombre incalculable de câlins, j’ai pleinement aspiré les parfums de chacun d’eux, senti des odeurs agréables d’After-shave que je retiendrai toute ma vie. J’ai fait ma réserve de bisous pour le reste de l’année, avec des barbes d’un jour qui me piquaient agréablement les joues. Tout ça me regonflait, me boostait. J’étais choyée, c’était exactement de cela dont j’avais besoin. Et cette chaleur humaine gommait presque toute ma tristesse. Africtivistes a été une cure pour moi, j’étais en de bonnes mains. De la nourriture pour l’âme, le cœur et l’esprit. L’aventure s’est terminée avec une escapade à Gorée, chaque particule de mon corps a pleinement vécu l’expérience, cette île ainsi que son histoire vous agrippent à la gorge. Pendant que la chaloupe naviguait sur l’océan, je sentais un bien-être inégalé m’envahir. Je m’étais faite une nouvelle famille et elle était juste là à mes côtés.
Puis je suis passée avec les blogueurs du réseau Mondoblog, toute autre expérience mais tout autant plaisante. A laquelle j’aurais aimé profiter comme avec Africtivistes mais le sort continuait à m’en faire voir de toutes les couleurs. Bientôt, je me rendis compte que j’avais perdu ma pièce d’identité française quelque part entre mon déménagement de l’hôtel N’diambour où je résidais pour le sommet vers la villa Keur Mithiou , document sans lequel je ne peux pas revenir en France. Sans tarder, il faut engager les démarches auprès du consulat français au Sénégal afin qu’ils me fournissent de nouveaux papiers pour rentrer chez moi, je ne pouvais pas m’absenter longtemps et mon billet retour est déjà pris. Les cours m’attendent, les examens, etc. Je commence à stresser de ne pouvoir pas rentrer dans les temps, car il faut un délai de traitement du dossier au consulat même en cas d’urgence. Je participe aux ateliers de formation de l’Atelier des Médias, mais j’ai un peu l’esprit ailleurs, je dors mal. Le séjour prend une teinte ocre pour moi. Mais Mondoblog 2015, ce fut tout de même des rencontres intéressantes, originales. Pendant une semaine, c’étaient des trajets en bus partagés, des repas pris ensemble, une atmosphère bonne enfant et certains ateliers qui me parlaient plus que d’autres. Tout le monde était d’une gentillesse inouïe avec moi, j’ai reçu des condoléances avec des mines attristées mais je me veux rassurante en les remerciant : je vais mieux et même bien. Je tisse une relation particulière avec les Mondoblogirls de ma chambre : Françoise une française énergique et qui est toujours de bonne humeur et Emma, une Haitienne aussi tendre que son prénom, avec qui je me lie tout de suite d’amitié, complice de mes sorties nocturnes.
Les jours passent avec une vitesse affolante et je m’attache au Sénégal en dépit des mésaventures administratives qui me poursuivent avec constance car bientôt je ne tarde pas à perdre mon portefeuille tout entier cette fois, avec tous mes papiers et mes devises étrangères dans un taxi le jour J de mon départ (déjà repoussé une fois) mais bon passons. Je retiens des Mondoblogueurs, des gens joyeux, portés sur des moments partagés autour d’une bonne bière (salutations au Crew de la « dibiterie » Chez La Congolaise 😉 ). Puis arrive le jour du dîner de pré-clôture au restaurant La Calebasse, dans le quartier au nom qui fait jaser : les Mamelles. Ça faisait longtemps que je ne m’étais autant sentie si bien et pour cause nous étions en train d’organiser une « soirée After » dans une discothèque de la place, la la Mondoblogueuse Béninoise Lucrèce et moi. Je défilais de table en table et recensait les partants pour la virée nocturne. Très belle soirée durant laquelle j’ai vraiment fait abstraction de tous les aléas du quotidien, on a vécu le moment à l’instant T.

Certains plus que d’autres, mais ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus car vous savez ce qu’on dit : ce qui se passe à Dakar reste à Dakar.

C’est ainsi que j’apprends que je devrai prolonger mon séjour d’une semaine à compter du dimanche de la fin de la formation car le consulat doit contacter la préfecture de ma ville pour un je-ne-sais-quoi de procédurier. Grand Merci à Manon Mella pour sa diligence, son suivi et sa disponibilité d’ailleurs. Maintenant tous les blogueurs sont rentrés chez eux et Lucrèce m’accueille à bras ouverts chez elle le temps d’une semaine en compagnie de ses 2 colocataires, également béninoises. Un autre épisode de mon séjour commence. J’aime répéter qu’au Sénégal j’ai vécu trois expériences, trois voyages en un, trois ambiances : Africtivistes, Mondoblog, et Chez Lucrèce. J’ai découvert l’hospitalité béninoise, ces trois filles sont juste magiques et je leur en suis reconnaissante de m’avoir hébergée. Lucrèce est une oreille attentive, sa voix ne s’élève jamais à plus de deux décibels, douce, présente et disponible. Candide son amie, avec ses infusions de thé qui m’apaisent, son sourire communicatif ainsi que le calme d’Ornella me font vivre une jolie expérience humaine, exquise, inoubliable.
Mais le Sénégal c’est aussi des rues sablonneuses qui vous font regretter bien trop tard d’avoir porter des chaussures blanches, c’est une chaleur suffocante qui vous enivre et vous fait sentir bien en Afrique. Ce sont les magnifiques plages de Saly (coucou à Djarma, M’bengue et Lulu, ma Team Saly), ce sont des chauffeurs de taxi qui s’arrêtent en pleine course car ayant un appel urgent à passer (tant pis pour vous si vous êtes pressé, bah oui et puis quoi ? ). Au pays de la téranga, en voiture utiliser son clignotant est optionnel, on conduit en plein milieu de la route entre deux voies, ah sisi… vous pouvez me croire. Vous courrez tout droit à l’accident si vous respectez le VRAI code de la route, il faut juste s’ajuster, s’adapter et conduire comme eux. Mais il est également remarquable de constater comme la vie y est chère, plus chère qu’à Conakry par exemple : l’argent fondait à une telle vitesse que je trainais Lucrèce au bureau de change tous les deux jours et même qu’une fois nous avons dû attendre une heure rien que pour changer 100 malheureux dollars (mais je crois que cela fera l’objet d’un autre billet co-écrit cette fois, car cet épisode c’était vraiment la cerise sur le couscous, oui oui le couscous 🙂 ). Merci à lui, cet autre, d’avoir rendu mon séjour un peu moins rude et mes soirées si fabuleuses.
Bref au terme de ce passage, j’ai vécu tour à tour un enchantement humain puis les coups de griffe du destin : je suis rentrée en France sans mes papiers, sans mes cartes bleues, sans ma SIM française, sans l’argent liquide (environ 300 dollars USD, 200 euros et 30 mille CFA), sans ma carte vitale, sans mon permis de conduire, sans ma carte étudiante. Vous pouvez me croire quand je dis qu’en dépit de tout cela, la Téranga porte bien son nom de « Terre d’hospitalité ». Ce voyage au Sénégal, c’était un rencard avec un inconnu, qui s’est transformé en corps à corps puis en rendez-vous amoureux. Je reviendrai assurément, si les cieux le veulent bien.


Guinée, auras-tu appris de tes erreurs?

Affrontements au secteur Madina le Jeudi 9 Octobre lors du retour du candidat Cellou Dalein
Affrontements au secteur Madina le 9 octobre lors du retour du candidat Cellou Dalein à Conakry. Crédit Photo : Bah Binany

A l’orée de l’élection présidentielle guinéenne dont le premier tour s’est déroulé le 11 octobre 2015, le paysage politique a l’air de se décanter laissant apparaître les abysses (ou devrait-on dire les abîmes) d’une société guinéenne bien décousue, malheureusement.

Existe-t-il autre meilleure période que celle électorale pour voir, constater et toucher du doigt le manque d’éducation politique des Guinéens ? J’en doute. Car c’est pendant cette période qu’ivresse du pouvoir oblige, les uns et les autres se lâchent, se laissant aller à la laideur comportementale la plus obscène.

C’est lors des élections que subitement, les Guinéens se rappellent qu’ils sont d’ethnies différentes, portent des noms de famille différents alors que jusqu’alors ils cohabitaient relativement bien ensemble. Quoique dernièrement, en dépit de ce que l’on veut absolument faire croire à coups de slogans comme  » la Guinée est une famille« , le tissu social  guinéen s’est assez dégradé. Hier 9 octobre, pendant que des violences éclataient à Conakry, des messages incitant à la haine circulaient sur le réseau social Facebook.

Capture d'écran de messages incitant à la haine, à la violence.
Capture d’écran de messages incitant à la haine, à la violence.

Est-ce complètement utopique de penser que le pays aura appris de ses erreurs de la présidentielle de 2010 ? Lors du second tour qui opposait les deux candidats Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo respectivement d’ethnie malinké et peulh, on n’avait frôlé l’affrontement ethnique. De puantes stratégies politiques utilisées de part et d’autre ont fait en sorte que l’échiquier politique guinéen se soit transformé et désormais hiérarchisé en ethnies. Inéluctable résultat d’hommes politiques nullissimes et au niveau intellectuel souterrain, ne disposant d’aucun autre moyen pour « fédérer » des individus autour de leur idéal égoïste : celui de gouverner une nation. Individus manipulés, portés sur la violence qu’ils appellent pompeusement « militantisme politique. »

Mais qu’est-ce que la définition d’un militant politique ?

Un militant c’est avant tout quelqu’un qui partage les idéologies d’un groupe, groupe que l’on appelle parti politique en général. Mais s’il les partage, c’est que bien entendu il les connaît et les comprend. COMPRENDRE : verbe du troisième groupe signifiant assimiler, saisir par l’esprit, l’intelligence ou le raisonnement. Le militant politique aide à diffuser autant que possible le message du groupe auquel il est affilié parce qu’il y croit. Il participe à des meetings, des débats intellectuels, des échanges constructifs. Il pense que ce message, différent des autres changera positivement la destinée de son pays. Il paie des cotisations à la régie financière de son parti.

Emeutes signalées à Conakry, le 9 Octobre 2015
Émeutes signalées à Conakry, le 9 octobre 2015. Crédit Photo : Bah Binany

En Guinée, les militants sont en général des jeunes désœuvrés qui sautent sur la première occasion qu’on leur offre de rentabiliser ce temps à ne rien faire. En échange de quelques dérisoires francs guinéens, ils arborent des t-shirts à l’effigie de leaders politiques dont ils ne connaissent rien. Ils installent de grosses sonorisations qui diffusent du hip-hop (du hip-hop pour quel but ?) aux carrefours urbains qui tympanisent les riverains. Ils se livrent à des fresques dangereuses à moto sur les routes en jouant les fanfarons, beuglant des propos incohérents parfois provocateurs et occasionnant des embouteillages kilométriques qui empêchent les honnêtes citoyens de rentrer calmement chez eux. Ils sont agressifs (et ce tous bords confondus) et ont le dialogue en horreur. Toute contradiction est de suite réprimée. Ils n’ont aucune culture politique sur leur propre parti. Pour ne citer que cela…

Une récente étude plaçait la Guinée comme pays à forts risques de guerre civile et ce risque est encore plus exacerbé en période électorale, car on constate une ethnicisation du processus électoral. Au lieu de faire prévaloir la communication, on accentue les différences, on use à outrage de prétextes communautaristes et régionalistes. Le spectre du conflit n’est pas loin lorsque la majeure partie de population n’accorde aucun crédit à la Commission électorale nationale indépendante et qu’elle est prête à rejeter tout résultat qui ne lui paraîtrait pas véridique.

Quelques gendarmes anti-émeutes essayant de gérer la situation. Crédit Photo : Bah Binany.
Quelques gendarmes anti-émeutes essayant de gérer la situation. Crédit Photo : Bah Binany.

Premiers incidents répertoriés à N’Zérékoré dans le sud du pays, à l’heure où j’écris ce billet on fait état de nouvelles violences en début de soirée à Conakry lors de l’arrivée du candidat Cellou Dalein. Les Rpgistes (militants du RPG, parti du président Condé) et les Ufdgistes (militants de l’UFDG de Dalein) seraient une énième fois entrés en collision.

Notons au passage qu’il  existe un vrai problème avec ces deux principaux partis et leurs militants. Les uns estiment qu’ils ont été lésés lors des élections de 2010 lorsque le candidat malheureux Cellou Dalein n’a juridiquement pas contesté les résultats en raison du climat déjà explosif régnant à leur sortie, ne voulant pas envenimer la situation. Ils ont maintenant la ferme intention de rattraper cet « échec » qu’ils considèrent toujours comme étant de la fraude électorale. Le système Waymark utilisé à l’époque par la Céni dans les bureaux de vote a été largement décrié. Puis de l’autre côté, le RPG qui compte bien rester au pouvoir pour « achever la mission qui leur a été confiée par le peuple ». Bienvenue dans le pays du dialogue de sourds.

Comme si la Guinée était condamnée au supplice de Tantale, ses fils se livrent à un éternel recommencement. Ils se sont montrés incapables de prendre exemple sur un pays comme le Burkina Faso qui s’est levé en un même et seul homme pour accomplir leur devoir patriotique de façon majestueuse. La jeunesse burkinabé fut un exemple pour l’Afrique, une et indivisible devant l’intrusion et la prise en otage du pouvoir par une frange de l’armée. En Guinée, ce cas de figure où la population mettrait de côté ses motivations personnelles pour le bien du pays, pour la démocratie serait impossible. Cette fois encore, je ne serai pas étonnée de constater que les Guinéens n’iront pas aux urnes sans dégâts et pertes en vies humaines.Tout est dans l’éducation politique et la mentalité encore une fois.

L’épidémie Ebola bien qu’inachevée sur le sol guinéen est passée de mode. Je reviens de Conakry où les pancartes publiques de sensibilisation et de prévention pourtant bien plus utiles ont été lentement mais sûrement remplacées par des banderoles électoralistes. Les points presses se font de plus en plus rares sur la maladie en dépit du fait que des centres Ebola soient encore présents sur le territoire guinéen. Des milliers de Guinéens se frottent et se touchent oubliant toutes précautions sanitaires lors de grands rassemblements creux et vaseux à l’honneur de politiciens égoïstes et avides de pouvoir. Les Guinéens ont désormais d’autres soucis que de se prémunir d’une maladie aussi grave, n’en déplaise à l’OMS qui n’a pas encore déclaré le pays « Free Ebola Zone »… Pendant ce temps-là, deux cas confirmés dans des centres de traitements et quatre suspects .

Inconscience à l’état pur vous me direz, et je vous donnerai raison.

Bref,  la Guinée aura encore rendez-vous avec son destin ce 11 octobre. Saura-t-elle honorer ce rendez-vous ? Saura-t-elle se comporter en jeune homme élégant, galant  avec la gente dame démocratie ? On y croit qu’à moitié… Ça semble mal parti, mais de bonne foi, on veut bien lui accorder le bénéfice du doute.


Nappy is the New Punk ou le retour à l’Afro !

Afro. Crédit Photo : April Spreeman
Afro. Crédit Photo : April Spreeman

De plus en plus de femmes noires revendiquent leur afro. Plus qu’un phénomène de mode, c’est un vrai retour aux sources qui s’opère aujourd’hui sous nos yeux. C’est comme si elles s’étaient passé le mot. De Cotonou à Abidjan en passant par Berlin, Zurich, Philadelphie, Moncton ou Grenoble, c’est la même histoire, le même flow.

Subitement, les noires (celles de la diaspora africaine et afro-américaine en particulier) se souviennent qu’elles ont les cheveux crépus et frisés.  Personnellement j’ai remarqué que le « retour au naturel » prenait de l’ampleur il y a trois ans environ. Sur les comptes Instagram notamment, les jeunes femmes blacks sont déchaînées et exhibent fièrement leur Afro, gouffa ou Nappy (peu importe comme vous l’appelez où vous habitez). Elles ont ceci en commun qu’elles ne veulent absolument plus défriser leurs cheveux à l’aide de produits souvent décapants, dangereux pour le cuir chevelu à long terme et très chimiques. Les extensions ? Persona Non Grata ! On ne veut pas en entendre parler.

Pendant longtemps lorsqu’on le leur reprochait, les filles noires ont justifié leur utilisation de cheveux synthétiques et Human Hair par les « caractéristiques typiques » du cheveu africain : à savoir rebelle, difficile à coiffer, chronophage en matière d’entretien, etc. Cet argument, ces jeunes femmes adeptes de la mode afro le piétinent et le tournent en dérision. Pour Mariétou, une jeune malienne étudiante à l’université de Nice Sophia Antipolis qui porte le sien depuis deux ans, c’est tout simplement : « N’importe quoi. Ce n’est pas plus difficile à coiffer le matin qu’un tissage qui s’est emmêlé la nuit pendant qu’on dormait et qu’il faut maintenant brosser longuement ». Eh oui mesdemoiselles, va falloir trouver autre chose on dirait.

Derrière cette pratique une question d’ordre culturel et identitaire, les Nappy Girls vont jusqu’à interpeller leurs sœurs adeptes de tissages et de collages d’extensions : « Pourquoi continuez-vous à porter des cheveux qui ne sont pas les vôtres, vous n’êtes donc pas fières de ce que vous êtes? Pourquoi imitez-vous les coiffures des caucasiennes, vous reniez ce que vous êtes alors que vous ne serez jamais l’autre« . Autant vous dire que le débat s’échauffe avec de l’autre côté les blacks pro-extensions qui se sentent progressivement acculées pour leur choix de coiffure.


Certains vont jusqu’à les qualifier injurieusement et abusivement de « Niafous » : terme d’origine malienne désignant une Noire à l’habillement et à la coiffure vulgaires et extravagants. Les Niafous selon la connotation populaire, sont très souvent parées d’extensions capillaires de mauvaise qualité aux couleurs vives : jaune, rouge, bleu. Elles portent des lentilles de contact à la limite du fluorescent, qui ne se marient pas à leur couleur de peau, exemple : vert (horrible fashion-faux pas, oui oui). Se dépigmentant l’épiderme, c’est une désaxée superficielle, aliénée tous azimuts qui se retrouve le cul entre deux chaises : culture africaine et occidentale à laquelle elle s’identifie le plus. Elles mâchent leur chewing-gum bruyamment, ont une hygiène douteuse, sont effrontées, parlent beaucoup trop fort et traînent habituellement aux stations de métro parisiennes identifiées : Châtelet Les Halles et Gare du Nord. Synonyme : Fatou Fachée aka F.F.

 

  • Garder à l’esprit que tout individu de sexe féminin, portant des extensions, croisé au métro GDN ou CLH, ne signifie pas automatiquement que vous êtes en présence d’une Niafou. Usez de votre flair.
  • A rappeler qu’une Niafou (toujours selon la définition) se reconnaît tout de suite et que la confondre au reste de la communauté féminine noire pro-extensions est un terrible acte discriminatoire et un grave manque de discernement. Dans le doute, ne pas l’employer. 🙂

Pour Mariame, étudiante guinéenne à l’université Paul Sabatier de Toulouse, la question ne se trouve pas à cet endroit : « Ce n’est pas parce que je mets des extensions que je ne suis pas fière d’être Noire, certaines personnes mélangent vraiment tout. C’est un choix comme un autre et une question de goût avant tout, c’est comme décider de porter une jupe à la place d’un pantalon et puis chacun est libre. Il faut arrêter de dramatiser en répétant que porter des extensions c’est comme se blanchir la peau, ça n’a absolument rien à y voir » martèle-t-elle un peu excédée par les propos qu’elle a lu sur des forums intitulés « Black Power » sur le web.

Inspiré à l’origine des Jackson Five, arborer fièrement son Afro est aussi devenu un moyen utilisé par certains groupuscules pour militer contre le racisme galopant et le sexisme. Montrer son opposition rien qu’en utilisant sa posture, son verbe et sa coiffure. Ce qui est tout à l’honneur de ces jeunes gens.

Paradoxalement, certaines filles m’ont révélé que c’est en vivant hors de leur pays d’origine que ce besoin d’étaler ce trait de caractère de leur physique d’Africaine s’est imposé. « Si j’étais restée à Abidjan, l’idée de porter un Afro ne me serait certainement jamais venue. Je serai probablement à l’heure qu’il est en train de défriser mes cheveux ou tisser de longues mèches. Ici au Texas j’ai eu peu à peu envie de m’affirmer, afficher le plus « outrageusement » possible ma négritude. » m’explique Sandrine ivoirienne, sur Skype lors de notre entretien vidéo. Sans doute parce que plus on lui faisait sentir qu’elle n’était pas chez elle, plus son attachement à ses racines africaines fleurissait de plus belle.

Retro Afro élégance. Crédit Photo : Alvaro A. Novo
Retro Afro élégance. Crédit Photo : Alvaro A. Novo

Quoi qu’il en soit on ne peut nier qu’il s’agit d’un réel plaisir pour les yeux, de voir défiler (et ce en nombre grandissant ! ) ces têtes bien faites, bien pleines et touffues. Il faut au moins admettre qu’avec ça, vous serez définitivement épargnées du terme « Niafou ». En attendant d’avoir le courage de vous rejoindre, continuez mesdemoiselles vous nous régalez!

Un petit tuyau pour vous Nappies, faites un petit tour chez Camille en cliquant ici. Son blog Ebony roots consacré à la beauté naturelle et noire vous conseille et vous aide à mieux appréhender le cheveu crépu souvent méconnu dans sa totalité.♥


Parce que nous le valons bien

Des manifestants forment le symbole du genre féminn à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 marqs 2014, à Manille (Philippines).  (ROMEO RANOCO / REUTERS)
Des manifestants forment le symbole du genre féminin à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 marqs 2014, à Manille (Philippines). (ROMEO RANOCO / REUTERS)

Hier nous étions le 8 mars 2015, journée internationale pour le droit des femmes, j’aimerais partager avec vous ces quelques mots, en somme un rapide témoignage : le mien. Hier dimanche à cette occasion  justement, il y a eu pléthore de billets et d’articles vantant les « mérites » de cette journée et de la femme par extension. Puis il y a eu ceux qui l’ont dénigrée, l’ont jugée inutile, favorisant un féminisme tordu, etc. Même s’il est clair que le débat autour de la table doit être constructif pour faire avancer les choses partout dans les pays chaque 8 mars, il ne manquerait plus que l’on reproche aux femmes de vouloir « fêter » dignement cette journée. Car il y a tellement de choses pour lesquelles l’on devrait se sentir fières : le droit de vote, le droit d’effectuer une activité professionnelle sans passer par son mari, le droit d’avorter dans certaines contrées, le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’approbation d’un tiers, etc.

Ça l’air évident comme cela, mais si aujourd’hui nous sommes les femmes que nous sommes, c’est grâce à l’action soutenue de nombreuses féministes tout au long de l’histoire.  Pour toutes ces raisons, j’estime ne vous en déplaise qu’il y a bien lieu de fêter (sans débordements bien entendu). Du moyen-âge à nos jours le monde a franchi un grand pas dans l’amélioration générale des conditions de vie de la femme, c’est indéniable.

De même, je pense qu’il n’ y a rien de mal à le rappeler dans des défilés et marches, ornées chacune de pagnes traditionnels, spécialement conçus pour l’occasion. Mais comme certains blogueurs ont également su si bien le dire : le 8 Mars ne doit pas se résumer à un concours de « qui sera la plus belle dans sa tenue », il doit aussi et surtout servir sa première vocation : celle de réfléchir à des solutions pérennes pour installer de façon définitive cette égalité des sexes tant voulue (et tant décriée à la fois) partout dans le monde. Et pour cela, il y a encore du travail.

 

 

Hier je ne sais plus où exactement, j’ai lu les propos d’une femme qui disaient à peu près ceci pour « dénoncer » un certain féminisme : « Il est temps pour les femmes d’arrêter d’être tout le temps énervées, échauffées pour le politiquement correct ». Le coup de massue que ces propos m’ont porté dispose de deux volets : d’abord parce que ces mots viennent d’une femme (et c’est aussi souvent là le problème puisque ce sont des femmes endoctrinées qui volontairement reproduisent les horreurs qu’on ne cite plus sur les corps de leurs filles) mais aussi parce qu’il est inimaginable en mon sens de ne plus être folle de rage au vu de tout ce que les jeunes filles et femmes continuent de subir à travers le monde. Il n ‘y a pas de politiquement correct qui tienne, la lutte n’est pas finie nos manches n’attendent que d’être retroussées. Les lignes qui vont suivre ont été publiées aujourd’hui et non le 8 mars de manière fortuite, pour échapper à l’embouteillage d’opinions et d’idées étalées la veille. Il s’agit de mon plaidoyer pour mes congénères.

Je suis une jeune femme de vingt-deux ans, oui cela fait vingt deux années que je suis sur terre et tout au long de ces années, je ne me suis pas imaginée autrement qu’en femme. Vous savez il y a certains qui disent parfois : « oh! j’aimerais être un homme (ou une femme) pour voir ce que ça fait, pour faire ci ou ça » (Beyoncé l’a même chanté dans son single : « If I were a boy »). Ceci ne m’ait jamais arrivé pour la bonne et simple raison que sous cette personnalité de femme, je me sens bien, épanouie. C’est comme ça que toutes les femmes devraient se sentir : épanouies dans leurs têtes et à l’aise dans leurs corps. J’ai eu l’incommensurable chance de grandir dans un entourage où dès petite, l’on m’a fait réaliser que j’étais forte, que je pouvais réaliser de grandes actions, que je pouvais décider, que mon corps était à moi. On m’a donné l’opportunité de contredire, de rejeter ce que je ne comprenais pas, bref j’ai eu tout le loisir de choisir. Et c’est là mon souhait pour chaque jeune fille, celui d’avoir la liberté de choisir.

La liberté de garder son clitoris

 Dans le monde, il y a chaque jour 6000 femmes qui sont excisées, (sept filles par minute) coupées parfois brutalement occasionnant des hémorragies, des blessures, des MST, une stérilité définitive. L’atrocité souvent est poussée jusqu’à sectionner les petites lèvres des gamines (parfois des adultes) qui hurlent de toutes leurs forces. Elles n’ont rien demandé, on ne leur a rien demandé. ILS ont décidé pour elles, pour leur avenir sexuel : elles ne connaîtront pas d’orgasme à l’état pur. Elles devront subir les rapports sexuels, pas y participer, pas les sentir. Mon cœur saigne avec tous ces vagins détériorés, ces clitoris volés, plus spécialement en Guinée où une récente discussion avec des prétendus intellectuels m’a édifiée sur l’ampleur du désastre. Lorsqu’ils défendaient « les bienfaits » de cette barbarie, la justifiant par la lecture erronée d’une religion, j’ai compris le cœur gros que leur future progéniture passerait par là.


La liberté d’aller à l’école, de poursuivre des études, de s’instruire 

En 2008 dans le monde, 35,5 millions de jeunes filles n’allaient pas à l’école. En 2015 les choses ont-elles changé ? Pas vraiment. Des millions de parents estiment que la place d’une fille ne se trouve pas sur un banc d’école mais dans la cuisine, aux pieds de son mari. Et si par bonheur elles y sont inscrites, on trouve toujours le moyen de les y arracher trop tôt pour les offrir en mariage, pour les réduire à un esclavage domestique. Il y a également le manque de moyens des ménages : illustration parfaite de l’échec des gouvernements. On n’a pas assez pour vivre comment aurait-on assez pour scolariser ses enfants? Et souvent dans ces situations on préfère scolariser le garçon. Là non plus, elle ne l’a pas décidé : l’ « effroyable » destin qui a voulu que ce soit un chromosome XX qui féconde l’ovule a décidé pour elle : tu es une fille, tu restes à la maison. Dans l’un ou dans l’autre des cas : manque de moyens ou volonté assumée de les « analphabétiser » , ce sont elles qui sont pénalisées. Elles ne seront pas ingénieures, docteures, avocates ni ministres.

La liberté de choisir son mari

Alors qu’elles étaient enfants ce sont 250 millions de femmes qui ont été mariées de force. Ce sont les chiffres effarants du Girl Summit 2014 à Londres. Prenons une fille pour qui on aurait tout trancher arbitrairement depuis sa naissance : lui enlever son clitoris, lui voler son éducation et maintenant lui asséner un mari. Que lui reste-il ? Néant. Voilà ce que la société actuelle effectue la plupart du temps : elle produit des poules pondeuses d’enfants. Ce sont là des fillettes manufacturées, réglées à la montre, soumises, pas éduquées, aucune possibilité d’emploi destinées à dépendre entièrement d’un homme sur tous les plans. Elles ne choisissent pas du début à la fin.

La liberté de pouvoir travailler, obtenir son permis de conduire, s’autonomiser

Dans certaines zones de la planète, ma pensée dérive vers les Etats islamiques notamment, les femmes n’ont toujours pas les plus élémentaires des droits. Elles ont besoin de la permission d’un tiers pour se rendre d’un point A à un point B. L’indépendance est une notion farfelue, inconnue d’elles. Les femmes sont considérées comme des propriétés privées sur lesquelles toute la société (sauf les premières concernées) possède des ayant-droits. Et lorsqu’elles parviennent tant bien que mal à s’échapper de ce joug patriarcal en obtenant un emploi, une autre injustice s’abat sur elles, celles des discriminations salariales. Dans les services privés et administrations publiques, les hommes continuent d’être mieux payés que les femmes au su de tous.


La liberté de disposer de son intimité

Le délicat exemple du Hijab

On exige qu’elle porte le voile et si un cheveu dépasse, elle est fouettée en public ou sévèrement punie. Loin de moi l’idée de penser qu’elle ne devrait pas le mettre. Personnellement je n’ai pas d’avis sur la question mais je milite pour que justement elle puisse effectuer le choix (oui encore cette histoire de choix) de disposer de son corps comme elle l’entend. Si le port du voile est un précepte reconnu de l’islam, la religion quant à elle émane de la sphère privée et personnelle. Les femmes devraient pouvoir revendiquer volontairement et joyeusement le port du voile . En un mot, il ne faut pas qu’elles le mettent par crainte de représailles mais parce qu’en tant que musulmane, elle comprend et mesure la portée de cet acte dans l’accomplissement de sa foi. Nul ne sait qui est le bon musulman du mauvais : on peut mettre le voile et avoir un comportement contraire à la Sunna et vice versa.


 

Elles sont persécutées lorsque la poitrine commence à pointer, signe de leur féminité. On leur repasse les seins avec des pierres chauffées à blanc pour ne soit disant pas éveiller les sens des hommes autour d’elles. La société préfère leur infliger ça plutôt que de punir de potentiels pédophiles. On veut garder un œil sur sa sexualité, on la lynche moralement lorsqu’elle avorte. On la restreint, la contrôle, dicte sa façon de se vêtir. Lorsqu’elle perd son mari, on « l’hérite » comme s’il s’agissait d’une vieille bagnole et pour finir on la bat comme une vulgaire serpillière, comme un torchon, à l’ensanglanter. Elle n’a rien choisi, rien décidé du début à la fin et si elle le pouvait à l’heure actuelle, elle aurait choisi de naître homme dans un monde finalement si clément avec la gente masculine et c’est ici tout le drame de notre société.

Bon 8 Mars mesdames, parce que vous êtes belles et courageuses, parce que vous appeler « le sexe faible » est pur outrage mais surtout parce que vous le valez bien.

International Women's Day in India.  Stop to the female infanticide.  (Crédit Photo : Jolene)
International Women’s Day in India. Stop to the female infanticide. (Crédit Photo : Jolene, flickr.com)


La rupture

Coeur_Brisé
Coeur brisé – Pierre Métivier/ Flickr CC

Cette semaine, ce vendredi, cette heure, j’emprunte mon blog, ma tribune à un ami blogueur (je tiens à le préciser) qui estime pour des raisons personnelles que ce blog est l’endroit idéal pour y publier ces quelques lignes. Que j’ai d’ailleurs trouvées à mon tour accrochantes et teintées d’un joli lyrisme, d’où mon accord. Le blog Veillées Nocturnes Au Coin Du Feu est honoré qu’on ait pensé à lui pour cette énième et petite confidence qu’on place dans ses entrailles. J’espère que vous aurez autant de plaisir que j’en ai eu en prenant connaissance des phrases qui vont suivre, un petit bout de vie gribouillé.

LA RUPTURE

Prendre la route, aller la voir
Lui demander ce qui se passe
L’entendre réitérer sa décision
Lui dire que c’est une blague de mauvais goût
Mais voir cette lueur étrange dans ses yeux

Et comprendre

Lui demander où est la bague
Elle n’est pas à son doigt
L’entendre dire qu’elle l’a jetée
Qu’elle ne l’a plus
Elle ne te l’a pas rendue comme le font d’autres

Et comprendre

La quitter sans qu’elle ne te retienne
Sans avoir de réelle explication
Partir sous son regard placide
Et t’effondrer en larmes
A coté de cette voisine de bus qui te regarde en silence

C’est le jour le plus triste de ta vie

Remballer ses affaires
Sentir son parfum sur ses vêtements
Puis les plier et les mettre dans un sac
La mort dans l’âme
Et te dire que c’est réellement fini
Deux ans… Ça ne peut pas se terminer ainsi

La revoir, lui remettre ses affaires
La trouver encore plus belle que dans ton souvenir
Regarder ses yeux que tu aimais tant contempler
Et la voir repartir, sans se retourner
Te sentir totalement désarmé face à ce qui arrive
Tu n’as pas eu ton mot à dire

Appeler
Envoyer des messages
Supplier
Implorer
Te mettre en colère
Et le regretter

Et encore t’effondrer

Encore appeler, garder l’espoir
Deux ans, ça ne peut pas se terminer ainsi
Essayer d’être le plus calme possible pendant cette conversation
Lui demander où elle se trouve
L’entendre te répondre qu’elle passe le week-end chez lui

Et recevoir un violent coup dans le bide

Ne plus appeler
Te sentir mourir à petit feu
Te poser des questions
Te reprocher des choses
Comment cela a-t-il pu arriver
Comment ne l’as-tu pas vu arriver

Et commencer à haïr

Haïr tout ce qu’elle représente
Haïr tout ce qui lui ressemble
Haïr ses congénères
Te sentir encore attaché à elle
La voir partout
Avoir peur

Auparavant tu étais intimidé, aujourd’hui tu es terrorisé

Terrorisé quand une demoiselle te regarde gentiment
Terrorisé quand elle s’intéresse à toi
Terrorisé quand elle te dit qu’elle t’aime
Tu repenses à ce sol qui s’était dérobé sous tes pieds un soir
Tu repenses à cette explosion en vol
Tu t’enfuis

Jamais plus elle ne se reproduira, cette erreur

La revoir des années après, un soir de mariage
Te rappeler qu’elle avait organisé le vôtre dans les moindres détails
Te rappeler de tous ces châteaux construits en Espagne
Constater que c’était du flan car elle est fiancée, mais pas avec toi
Discuter longuement avec elle, retrouver certaines choses
Qui te ramènent à cette douce époque où vous étiez deux, mais un

Le rêve qui avait viré au cauchemar

Te dire que c’était bien tout de même
Mais qu’elle n’a plus sa place, là
Ni elle ni une autre d’ailleurs
Te décider à devenir un loup solitaire
Doublé d’un ours mal léché, un monstre sans cœur ni vergogne
On ne t’y reprendra plus jamais

Et te rendre compte avec désarroi
Que tu es encore capable d’aimer
Donc d’avoir mal

Ecrit par NRJ


Quand le gouvernement guinéen débarque sur Twitter!

Bienvenue sur Twitter. Crédit Photo : Phillipe Martin ( CC flickr.com)
Bienvenue sur Twitter. Crédit Photo : Phillipe Martin ( CC flickr.com)

Ces derniers temps, on remarque un vrai engouement des États Africains à se mettre au diapason des nouvelles techniques de communication (Ouf ils ont enfin compris où la fête se déroulait). Ce qui bien entendu n’est pas pour nous déplaire, nous jeunes citoyens (adeptes ou non des nouveaux médias) disséminés à travers le monde. Pour un guinéen, camerounais, sénégalais, etc. c’est sans aucun doute une bénédiction de pouvoir interpeller son ministre de la jeunesse au même titre qu’un français le ferait avec Fleur Pellerin (ministre française de la culture) ou Emmanuel Macron (ministre français de l’économie). Tout réside dans ce pouvoir, celui de demander des comptes à ses élus, d’exprimer son mécontentement, de féliciter de nouveaux projets, etc. Tout ceci grâce à la magie d’internet.

Quant au poids des réseaux sociaux aujourd’hui dans la communication gouvernants-gouvernés, il s’agit d’une certitude. C’est même un MUST, dans la mesure où les citoyens africains sont composés en majorité de jeunes de moins de 30 ans. La population africaine de nos jours est assez jeune, représentant à elle seule un véritable et redoutable potentiel humain. Cette réalité s’observe aussi en Guinée, où les générations X et Y écrasent toutes les autres de par leur nombre. Vu sous cet angle, il est donc primordial pour les États d’aller à la conquête de ces nouveaux canaux de communication que les jeunes utilisent. Il faut s’adapter, parler leur langage, s’en approcher autant que possible. Il s’agit avant tout des futurs électeurs (dont le système a besoin pour assurer sa pérennité) qu’il faut chérir et caresser dans le sens du poil. Le gouvernement Guinéen l’a assez compris puisqu’en plus de la page Facebook officielle, il vient de créer un compte Twitter qu’il alimente de façon journalière. Dans la foulée, la Présidence et certains ministres issus de ce même gouvernement ont suivi la tendance. C’est ainsi que je fus agréablement surprise de voir Mr. Moustapha Naïté (Ministre de l’emploi des jeunes) présent sur la célèbre plate-forme de micro-blogging. J’ai aussi constaté qu’il répondait aux followers qui le tweetaient de temps à autre. On voulait de la proximité avec nos dirigeants? On est servi et c’est ma foi tant mieux.

 

Mais au vu du nombre de followers dont dispose ces comptes, j’en viens à penser que les jeunes guinéens ne sont soit pas au courant de cette opportunité : on leur donne la parole ce qui est rare dans nos contrées africaines; soit la présence de ces comptes n’a pas été largement relayée. Dans l’un ou dans l’autre des cas il faut absolument y remédier. Une solution parmi d’autres pourrait venir de l’utilisation de spots publicitaires. Puisque la radio, la télévision et même Internet sont accessibles par les ménages guinéens, on pourrait à la fin de chaque publicité y apposer les comptes Twitter des ministères concernés. Je m’explique :

  • -S’il s’agit d’une publicité pour un concert ou un événement culturel sponsorisé par le ministère de la culture guinéenne, on y appose à la fin du clip publicitaire les comptes officiels du ministère de la culture.
  • -S’il s’agit d’une publicité faisant état d’offres d’emploi, de formations, etc. On pourrait y adjoindre les comptes officiels des ministères de l’emploi ou de l’éducation et ainsi de suite.

 Cela contribuerait à informer les citoyens, (notamment les  jeunes souvent largués, abandonnés à eux mêmes) qu’ils possèdent  un espace où ils peuvent venir débattre, exprimer leurs avis, demander des justifications sur la gestion de leur pays. On disposerait ainsi d’une twittosphère (et pourquoi pas d’une blogosphère sur le long terme) guinéenne conséquente où nos voix auraient plus tendance à porter et à être écoutées au sommet de la hiérarchie étatique.

Faut-il encore rappeler le parfait exemple du Burkina Faso où les burkinabés se sont majestueusement et avec une belle prestance, rangés derrière le hashtag (mot-dièse) #Lwili pour organiser, live-tweeter, coordonner les opérations et rassemblements sur le terrain qui ont accompagné la chute du président Compaoré ? Le spectacle était digne d’un balai virtuel où chacun maîtrisait au centimètre près ses pas de danse. Le hashtag est d’ailleurs resté, il est maintenant utilisé par la twittosphère burkinabé pour parler de tout ce qui a trait à leur cher pays. Mais ce ne sont pas les seuls, au Sénégal par exemple le hashtag national c’est #Kebetu, au Togo c’est #Gnadoè et nous en Guinée ça sera quoi ? Car il faut bel et bien en trouver un, pour que tous les guinéens soient fédérés autour.

 

Cependant si la création d’un compte Twitter du gouvernement Guinéen est à féliciter, il existe encore quelques petits agencements que le Community Manager (CM) chargé du profil Twitter se doit de réaliser. Pour avoir effectuer un stage de quelques mois sur le thème, à la suite duquel j’ai fourni un rapport sur l’importance des réseaux sociaux, la façon de les utiliser pour booster les relations marque/institution-clients (dans ce contexte ci, on supposera que les followers sont les clients), je peux sans prétention aucune fournir quelques rapides conseils pour aider à la gestion de ce compte dans l’hypothèse où son CM passerait par là :

  1. Tout d’abord, j’ai remarqué que les tweets du compte @GouvGn sont la plupart du temps des publications Facebook qui ont ensuite été partagées sur Twitter. C’est un faux pas (on parlerait de fashion-faux-pas s’il s’agissait de mode). Il n’est pas interdit de le faire mais Facebook et Twitter représentent deux plateformes complètement DIFFÉRENTES non seulement dans leur conception mais aussi dans leur vocation. C’est donc une erreur de créer un même contenu pour les deux réseaux sociaux. Twitter est un site qui mise sur l’instantané, l’immédiat, le précis, le ciblé : d’où les 140 caractères et le fil d’actualité (Time-Line) rafraîchi chaque minute avec de nouvelles actualités. Le follower s’attend à ce qu’on lui livre l’information tout de suite pour qu’il puisse passer à un autre tweet sans tarder. Alors que Facebook est dans une optique plus large, une diffusion dans le temps plus étalée (dans notre fil d’actualité Facebook on peut retrouver des publications diffusées la veille ou  il y a deux jours, ce qui est quasiment impossible sur Twitter à moins de ne suivre que 2 personnes). Pour un même sujet donc, il est en général conseillé de fournir deux contenus différents pour les deux plateformes : un court, précis pour Twitter et un autre où on peut s’épancher en explications pour Facebook. Le follower sur Twitter et votre « ami/Likeur » de Facebook n’ont pas les mêmes attentes sur la façon de recevoir l’information. Il est crucial de le comprendre. D’autant plus que rien ne garantit que votre follower cliquera sur le lien que vous lui proposez pour lire la suite de vos propos sur Facebook. Il peut estimer le parcours à faire trop long et c’est donc à vous de lui rendre la tâche facile. C’est mieux de réserver ce genre de tweets pour les informations importantes, les déclarations, les discours auxquels on ne peut toucher sous peine d’en modifier l’essence.
  2. En second lieu, sur la plateforme Twitter il est recommandé de fournir une information imagée autant que possible. Un contenu avec photos en guise d’illustration (et tout récemment on a la possibilité de joindre une vidéo à notre tweet)  générerait plus de clics.
  3. Il faudrait envisager d’authentifier les comptes.
  4. En dernier lieu, il est important de garder une certaine cordialité dans les échanges avec les followers (si vous décidez d’interagir avec votre communauté), ne pas s’emporter pour rien et se livrer à une razzia de blocages. Quand on est CM (surtout celui d’un compte aussi important que celui d’un gouvernement) il faut avoir le dos large, accepter les critiques.

Si vous autres lecteurs avez d’autres conseils, vous pouvez les laisser en commentaire, je me ferai un plaisir de les publier.

Pour finir rappelons que les réseaux sociaux représentent les nouvelles forces, mieux les nouvelles armes. Il incombe à chacune des parties (gouvernements, e-citoyens) de les utiliser à bon escient pour parvenir à l’objectif fixé : une communication fluide et franche (même si pour la franchise des politiques, on peut toujours courir) 😉


Kalimera ! Le 1er ministre Alexis Tsipras vu par les Grecs

Le premier ministre Grec, Alexis Tsipras (Crédit Photo : DIE LINKE. in Europa)
Le premier ministre Grec, Alexis Tsipras (Crédit Photo :
DIE LINKE. in Europa)

Il y a une semaine, j’ai eu la possibilité de m’échapper de mon train-train quotidien. Destination ? La Grèce ! J’étais ravie de pouvoir me « déconnecter physiquement » de la France et de larguer les amarres, ne serait-ce que pour un bref moment. Le moment fut bref, mais tellement grisant ! Que dis-je, un envoûtement. Ah la Grèce terre ruinée mais terre d’enchantement.

Athens. View from The Parthenon. (Crédit Photo : Dieretou)
Athens. View from The Parthenon. (Crédit Photo : Dieretou)

Comme Dora l’exploratrice, je prends tout ce qu’il me faut dans mon « cartable ». C’est en Europe du Sud la Grèce, c’est assez éloigné de ma petite province midi-pyrénéenne (d’ailleurs il y a une heure de décalage horaire), alors même si ce n’est point pour durer je ne veux pas être « surprise » par les événements, résultat : ma valise pèse deux fois ce qui était prévu. Je vois déjà vos regards désapprobateurs, ben quoi ? Une femme ça a besoin de beaucoup de choses, ce n’est pas comme ces messieurs qui eux peuvent porter les mêmes baskets six jours de suite 🙂 . Mais on s’égare, revenons au voyage.

Station Pireus, le Port.  (Crédit Photo : Dieretou)
Station Pireus, le Port. (Crédit Photo : Dieretou)

Ainsi donc dans l’avion d’Air France qui me mène à Athènes pendant trois heures de vol (Dieu merci, saine, sauve et entière au regard de l’actualité aéroportuaire) je commence un petit peu à angoisser. En effet dans cet appareil, il n’y a que trois Noirs moi y compris pour environ 200 passagers. Humm… mes amis de la diaspora savent certainement de quoi je parle, vous savez cette fâcheuse habitude dès qu’on arrive à un endroit de « compter » le nombre de Noirs parmi nous : en classe, dans une boîte de nuit, dans une entreprise, etc. Pratique destinée à nous rassurer je ne sais comment. Pourquoi on fait ça ? Je ne sais pas, mais ça doit être psychologique.

Quoi qu’il en soit les choses ne débutent pas très bien et je commence à me demander si je vais atterrir dans un pays où la race noire est encore méconnue et où les gens vont me regarder soit comme une pierre du néolithique soit comme une œuvre d’art ! Serais-je victime de racisme là-bas? Je vérifie mes notes de voyage, déverrouille ma tablette et parcours les informations que j’ai glanées ici et là il y a quelques jours pour le bon déroulement de mon séjour. Les lieux à visiter avec le guide du routard spécial Greece, la mentalité de la population sur des blogs de voyage, etc. Car bien entendu la dernière chose dont j’ai envie, est de revivre ma traumatisante expérience du Maghreb !

Non non pourtant, pas grand-chose à signaler de ce côté dans mes notes. Rien d’insurmontable en tout cas. Et puis des Noirs dans un avion, qu’est ce que ça prouve après tout ? Finalement, je réajuste ma ceinture et entreprends une petite sieste pour me calmer et chasser les vilaines cernes qui me guettent.

Aegina Island.  (Crédit Photo : Dieretou)
Aegina Island. (Crédit Photo : Dieretou)

J’arrive à Athènes vers 13 h, heure locale et ça y est l’aventure commence. Dans l’aéroport ? Toujours zéro Noir et quelques regards sur moi, mais j’essaie de ne pas y prêter attention. Je me dirige vers la sortie Taxis où un très grand monsieur vient à ma rencontre tout sourire. Sourire marketing me direz-vous ! On s’en fout, j’aime son visage paternel et mon anxiété s’évapore petit à petit. Je grimpe dans son bolide et on est parti. Je lui donne l’adresse de mon hôtel qu’il connaît déjà heureusement pour avoir déposé certains touristes à cet endroit ! Avec mon anglais approximatif je commence à discuter avec lui, la vie à Athènes, comment a-t-il vécu la crise, etc. Les réponses affluent et nous nous lançons dans une conversation bon enfant où mes questions se font tout de même de plus en plus intrusives ! Je veux tout savoir moi !

Commerces à Akropolis .  (Crédit Photo : Dieretou)
Commerces à Akropolis . (Crédit Photo : Dieretou)

Mon chauffeur est un Grec qui doit avoir la cinquantaine, il m’explique la désillusion qui a frappé la population après l’annonce de la dette grecque. Il m’affirme avoir perdu foi en la politique et que le gouvernement ne lui inspirait plus confiance! Il parle, parle, et moi j’écoute, j’écoute. Je me sens comme une journaliste en reportage. Il m’explique comment les salaires ont été drastiquement baissés sans crier gare, comment il a perdu son emploi de bijoutier, son désespoir. Le trajet d’une trentaine de minutes me permet de le questionner sur Alexis Tsipras, le nouvel homme fort de la Grèce. Il émet certaines réserves, il veut bien lui accorder le bénéfice du doute, mais pas plus. Il s’explique :

_You know, Tsipras is a young man, he got a lot of ambitions for the country. But will they let him work ? I don’t think so. Look at Kennedy, he was so dynamic, full of dreams, he wanted to change the world. And what they did to him? They killed him.

(Vous savez, Tsipras est jeune, il a de nombreuses ambitions pour le pays. Mais le laisseront-ils travailler ? Je ne pense pas. Regardez Kennedy, il était dynamique et plein de rêves, il voulait changer le monde. Et que lui ont-ils fait ? Ils l’ont tué!)

Je sursaute, peut-on en arriver là en Grèce? . J’en profite pour lui demander des informations sur l’hypothétique présence de la mafia et des cartels en Grèce.

_Oh they are everywhere in the world. (Oh ils sont partout dans le monde)

Nous nous arrêtons là sur ce sujet assez délicat.

_What about Black people here ? Greek are they usually racist or xenophobic ?

(Et les Noirs ici ? Les Grecs sont-ils racistes ou xénophobes en général ?)

J’essaie de tester tant bien que mal sa franchise par cette question que je lui pose sans ambages en observant son regard dans le rétroviseur.

_ I wouldn’t say that, me répond-il en faisant une petite moue désinvolte… Here we love the tourists and Black people doesn’t cause mess or disorder so there is not problem.

(Je ne dirais pas ça. Ici on aime les touristes et les Noirs ne sèment pas de pagaille donc il n’y a pas de problème.)

Nous passons donc aux joyaux de la ville d’Athènes : le temple de Zeus à Akropolis, le Parthenon, l’Agora, Syndagma, les magnifiques îles Hydra, Aegina, Zakynthos, les boîtes de Gazi, Pireus (le port), etc. qu’il me conseille expressément de visiter. Je lui dis que j’y compte bien et nous nous séparons gaiement alors que je lui promets de le rappeler en cas de besoin. Le prix du trajet : 40 euros.

Métro Athènes.  (Crédit Photo : Dieretou)
Métro d’Athènes. (Crédit Photo : Dieretou)

Tout au long de mon escapade, je découvre une population qui peine financièrement à s’en sortir certes comme partout, mais ici plus qu’ailleurs. Les ménages touchant peu ne consomment plus. Ils préfèrent désormais mettre de l’argent de côté que de dépenser pour se faire plaisir. Ils sont traumatisés à l’idée d’être frappés par une seconde mauvaise nouvelle dans le secteur économique. Le commerce a perdu de ses galons et l’économie se trouve désespérément asphyxiée puisque les industries n’arrivent plus à écouler leurs marchandises qui sont soldées.

Temple du Dieu Olympien Zeus.  (Crédit Photo : Dieretou)
Temple du Dieu olympien Zeus. (Crédit Photo : Dieretou)

Cela fait sans aucun doute le bonheur des touristes qui se procurent des biens et services sans avoir à dépenser beaucoup mais pour les Grecs, c’est une vraie catastrophe. Je me rappelle de cet épicier chez qui j’étais allée acheter des fruits tôt le matin vers 7 h. J’étais sortie de mon hôtel non seulement pour retirer des sous au distributeur d’à côté mais aussi pour appréhender ce quartier toute seule, à ma manière.

Le Parthenon .  (Crédit Photo : Dieretou)
Le Parthenon, vue du bas. (Crédit Photo : Dieretou)

Pendant une heure j’ai marché pour mieux me repérer dans ce nouvel espace où la plupart des boutiques et enseignes sont en alphabet grec. Lorsque je vois ces fruits sur son étal délicieusement exposés, je ne résiste plus et me dirige vers sa boutique :

_G’morning, lancé-je à la volée dans l’espoir d’avertir quelqu’un de ma présence.

Le gérant, un jeune monsieur dans la trentaine, est au fond de sa  boutique. Une calculatrice à la main, le front plissé  tentant de se démener tant bien que mal dans ce qui me semble être de loin, des chiffres.

_Kaliméra (bonjour) me répond-il…

Aïe, je sens qu’avec lui ce sera compliqué de discuter puisqu’il a l’air de ne parler que grec.

Je lui achète une poche pleine de fruits appétissants : bananes, pommes, fraises, clémentines. Cela a l’air de le dérider et après avoir payé, je tâte doucement le terrain puis lance mes questions habituelles :

_So, what about the economic crisis ? Was it hard for your business?

(Et au sujet de la crise économique ? C’était dur pour ton commerce ?)

_Oh truly hard, me répond-il…

(Vraiment difficile)

Nous devisons un bon quart d’heure pendant lequel il loue la venue de Tsipras et de son équipe comme celle d’un messie. Lui et ses amis me dit-il, placent tous leurs espoirs dans ce nouveau départ! Il me parle de dignité retrouvée et je veux presque y croire tellement que son optimisme est contagieux. Il m’apprend quelques mots en grec qu’il me note sur un papier.

_ Ef̱charistó̱ polý (Merci beaucoup). Lui dis-je dans un sourire en tournant les talons.

C’est ainsi que s’écoule tranquillement mon séjour, et je ne fais l’objet d’aucun racisme. Les gens me parlent tranquillement, sont agréables quand je vais vers eux et je commence à honnêtement apprécier cette ville. Cette μαμά (mamà) grecque avec ses longues robes fripées et son sourire bienveillant à qui je demande mon chemin lorsque je m’égare, ces petites adolescentes beaucoup trop maquillées pour leur âge que je croise au théâtre Dionysos, qui devinent je ne sais comment que je ne suis pas d’ici et me lancent un charmant :

Where are you from ?

Auquel je réponds :

_France.

Avant de s’extasier les yeux écarquillés :

_Oh Parisss (lire parice) I love this country. Puis elles continuent :

_ I will go there as soon as I’ll got my own money. Alexis Tsipras will change everything and we’ll got jobs.

A la bonne heure! leur dis-je. Elles dégagent un aimable enthousiasme que je ne voudrais gâcher pour rien au monde.

Je remarque que les adultes et les personnes âgées sont plus méfiants face à ce nouveau régime auquel ils souhaitent certes toute la réussite mais gardent néanmoins la tête sur les épaules. Ils savent que la lutte pour renégocier la dette sera acharnée notamment avec celle qu’ils appellent ici « La Merkel » avec dédain.

Après quatre jours de longues journées d’excursions découvertes un peu partout à Athènes: le quartier fleuri d’Anafiotika, le marché aux puces de Monastiraki, sautiller à Petralona, Keramikos et j’en passe; je suis à la veille de mon retour. Toutes les bonnes choses ont une fin. Je décide donc d’aller jeter un coup d’œil vers ces pittoresques îles célèbres : une qui est « assez proche » d’Athènes c’est-à-dire à quarante minutes de trajet en catamaran : Aegina; et une autre dont le parcours est digne d’une odyssée : Zakynthos. Mais le jeu en vaut sans aucun doute la chandelle. Le décor est féerique.

Zakinthos Island.
Zakinthos Island.

Pendant cette minicroisière je fais la connaissance d’un autre barbu de grec (ah oui j‘oubliais de vous le dire, les hommes sont presque tous barbus et les jeunes femmes sont en général de jolies petites brunes aux traits prononcés, ce qui leur confèrent un petit air énigmatique très séduisant), avec qui j’ai une autre discussion passionnante et instructive. Il a vingt-sept ans, est consultant en informatique dans une entreprise de la place et parle un peu français. Il trouve aussi que Tsipras est une bénédiction pour la Grèce. Il m’explique que l’Union européenne a beaucoup été trop dure avec eux qu’il est plus que temps de changer la donne. J’ose tout de même un petit :

_Je comprends les répercussions sociales de l’austérité sur le long terme, mais ce n’est pas à l’UE qu’il faut en vouloir et si on vous annule cette dette qui a déjà été réduite par le passé, ce sera aux autres pays membres de payer pour vous, pour les folies de grandeur de votre ancien gouvernement alors qu’eux ont été sages. C’est injuste. It is so unfair, appuyé-je en anglais.

Je le regarde, je suis peut-être allée un peu trop loin. Heureusement, il sourit puis ajoute :

_ Néanmoins ça ne peut plus continuer me dit-il, les Grecs ont trop souffert et ce n’était pas de leur faute non plus, la seule erreur qu’on peut leur reprocher est d’avoir eu confiance en leurs élus. Et puis ce n’est pas comme si l’Allemagne elle, avait entièrement remboursé sa dette de guerre non plus.

Cette dernière tirade me fait sourire. Un point sur lequel je n’ai aucun mal à le rejoindre.

 

 

Le catamaran avec lequel on a voyagé.  (Crédit Photo : Dieretou)

Le catamaran avec lequel on a voyagé. (Crédit Photo : Dieretou)

Le lendemain, j’embarque pour mon vol retour, en gardant un ravissant goût de cette petite virée captivante et en me promettant intérieurement de revenir dès que je pourrai.

Airbus 15 32 . (Crédit Photo : Dieretou)
Hello from the sky. (Crédit Photo : Dieretou)